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reconnais, pourrait être tirée delà situation financière de nos communes, dont la plupart sont obérées. Je ne veux pas rechercher la cause de leurs embarras : cela m’entraînerait à discuter la politique scolaire de ces quinze dernières années. Mais cette situation peut ne pas se prolonger toujours. Ce qu’il s’agirait de faire triompher, c’est un principe : le droit pour les communes de faire appel à l’impôt pour subvenir à des dépenses charitables, droit qui devrait cependant être tempéré par la nécessité de rétablir pour le vote du centime charitable le concours des plus imposés, si maladroitement supprimé par la loi du 5 avril 1882. Le principe une fois admis, quinze ans, vingt ans, un demi-siècle, pourraient s’écouler avant que les bienfaits s’en lissent sentir. Mais les générations futures en profiteraient, et, il ne faut pas se faire illusion : en matière de réforme sociale, c’est surtout pour les générations futures qu’on travaille.

Enfin une troisième objection, forte également je le reconnais, mais non pas insurmontable, peut encore être tirée de la façon dont la charité publique est aujourd’hui administrée. Il est certain qu’il faudrait apporter une réforme complète dans les procédés de l’assistance publique en France. Il faudrait, tant à Paris qu’en province, qu’en échange des ressources qui seraient mises à sa disposition par l’universalité des contribuables, elle renonçât à s’inspirer d’un esprit étroit et sectaire dans la distribution de ces ressources ; que, sans adopter de parti pris aucun instrument, elle n’en exclût aucun, surtout pas le plus admirable de tous, les congrégations charitables, et qu’aucun citoyenne fût, en raison de ses convictions politiques ou religieuses, écarté des conseils de la charité. Il faudrait, en un mot, qu’elle devînt un service national auquel seraient conviés à prendre part tous les hommes de bonne volonté, et en même temps qu’on enlevât autant que possible, à ce service, son caractère administratif, en faisant appel aux concours bénévoles, car la charité, bureaucratiquement faite, donnera toujours des résultats médiocres. S’il y a un terrain où la réconciliation des partis puisse s’opérer, c’est assurément celui-là. C’est un rêve, dira-t-on. J’espère que non. En tout cas, à ceux qui portent tout à la fois dans leur cœur un ardent amour pour la France et une pitié profonde pour les souffrances de quelques-uns de ses enfans, ne faut-il pas permettre le rêve, ne fût-ce que pour les consoler un peu des tristesses de la réalité ?

Dans une prochaine étude, nous examinerons les meilleurs modes d’organisation et de distribution de la charité privée.


HAUSSONVILLE.