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planchers, assez haut ou assez bas pour ne pas embarrasser les passages d’une pièce à l’autre quand les parois intérieures ont déterminé leur superficie.

Ces précautions n’ont pas été nécessaires à Chicago ni à Saint-Louis, où les terrains ont une largeur commune de vingt-cinq mètres, ni pour les édifices formant le coin des rues. Ces édifices sont ordinairement occupés par les grandes compagnies d’assurances, et il a été assez aisé de prévoir les divisions intérieures en composant les plans. Cet embarras n’existait pas non plus pour les maisons hautes destinées à servir d’hôtels.


IV

Ç’a été sans difficulté aucune que les premières maisons hautes se sont élevées, d’abord à New-York, ensuite à Boston, à Chicago, à Saint-Louis, dans les régions du centre comme sur le littoral, dans les villes agricoles comme dans les cités industrielles. En peu d’années, parties de sept ou huit étages, elles ont gravi les degrés du ciel jusqu’à soixante et quatre-vingts mètres ; dès lors, on s’est ému ; et comme on projetait de s’élever plus haut encore, les municipalités, la population, les compagnies d’assurances, la presse elle-même, jetèrent des cris d’alarme, la presse qui s’était emparée de l’une des plus belles voies de New-York, de Park How, pour y bâtir ses tours féodales ! Ou démontra aisément que, pour peu que cette lièvre de maisons hautes continuât à sévir, il ne serait bientôt plus possible de lire en plein midi son journal dans la boutique ni de respirer dans la rue. Quant aux compagnies d’assurances, elles firent valoir leurs observations d’une manière concluante ; elles augmentèrent de 3 à 4 p. 100 leurs tarifs pour les maisons qui empilaient plus de six étages au-dessus desquels les pompes les plus puissantes ne peuvent jeter de l’eau. Ce fut une douche pour les amateurs de maisons hautes, mais elle n’eut guère d’autre effet que de faire monter le prix des loyers. À New-York on ne mit point d’obstacle à l’ambition des bâtisseurs ; on leur a laissé la faculté de « gratter les nuages » à la condition qu’ils le feraient avec certaines précautions contre la foudre et des soins particuliers qui les rendent incombustibles, fire-proof. Un se montra ailleurs moins généreux.

À Boston la hauteur des bâtisses fire-proof fut limitée à trente-sept mètres et demi et les autres à vingt et un mètres. C’est moins qu’à Paris ; mais Boston a toujours été une ville sévère et mesurée dans ses actes. Chicago, qui a moins de scrupules et à qui les témérités ne déplaisent pas, a pourtant admis que dans les rues de vingt-quatre mètres de large les maisons ne pourraient