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I L’IDOLE DEUXIEME PARTIE Journal d’Hélène de Maloussie. ter août. ... Je reprends aujourd’hui mon Journal, depuis longtemps abandonné : il m’ennuyait. Je n’avais rien à me confier, rien que j’eusse besoin de me dire longuement à l’oreille. Notre vie est si monotone, ici, monotone dans l’agitation, car il n’y a pas d’en- droit au monde où l’on se donne plus de mouvement, plus de peine pour s’amuser. Depuis quelque temps surtout, depuis le re- tour du prince Roustani, promenades, parties de pêche, déjeuners sur l’herbe, charades, concerts, et des toilettes, des élégances!... On n’a pas le temps de respirer. Si Mademoiselle n’y mettait bon ordre, nos journées ne seraient, comme elle le dit, qu’une course au clocher à travers les vanités du monde. Mais de tout cela, rien à dire ; la dissipation ne se raconte pas. Elle laisse dans l’âme une sorte de fatigue triste qui ôte le goût de penser. C’est du moins ce que j’éprouve ; quand on a fait mille choses sans re- prendre haleine, couru par voies et par chemins, sauté, dansé, bavardé, on se figure qu’on aura à enregistrer une foule de ré- flexions ou d’observations, de choses pleines d’intérêt ; on cherche; rien ! une poussière ! Tout cela s’égrène au bout de la plume en une sèche nomenclature : à telle heure, telle chose, à telle autre heure, telle autre chose; c’est à pleurer d’ennui... Il est vrai que je lis des livres intéressans, de l’histoire, de la littérature, je fais connaissance avec les grands esprits d’autrefois. Tout de même,