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de sa lanterne et l’instant où il recevait la lumière renvoyée par le second observateur ; Galilée ne put constater ce laps de temps ; pour le rendre appréciable, il aurait fallu placer les deux observateurs dix millions de fois plus loin l’un de l’autre.

Parmi ceux qui se refusaient à admettre avec Descartes la communication instantanée de la lumière, était Fermat. Selon Fermat, la lumière se propage avec une certaine vitesse, dépendant du milieu que traverse le rayon ; ce principe joint à cet autre principe, que la lumière prend, pour aller d’un point à un autre, le chemin dont le parcours exige le moindre temps, permet d’expliquer les lois de la réfraction que Descartes avait découvertes ; l’indice de réfraction est le rapport de la vitesse de la lumière dans le milieu qu’elle quitte à sa vitesse dans le milieu où elle entre, en sorte que la lumière se meut d’autant plus lentement que le milieu est plus réfringent, — proposition qui était appelée à jouer, dans l’histoire de l’optique, un rôle de premier ordre.

Dans une lettre à Descartes, Fermat proposait une méthode expérimentale propre à résoudre la question que s’était posée Galilée : qu’un observateur se place, pendant la nuit, en regard d’un miroir fixé à un quart de mille ; qu’il fasse réfléchir par ce miroir la lumière d’une lanterne tenue à la main ; si la lumière exige un certain temps pour se communiquer à distance, entre le moment où sa main imprimera une secousse à la lanterne et le moment où il verra le mouvement de la lumière il percevra un certain laps de temps.

Les tentatives expérimentales de Galilée et de Fermat faisaient sourire Descartes ; la question n’était-elle pas résolue depuis longtemps, au moyen d’expériences innombrables, faites avec la dernière précision et par les observateurs les plus exercés ? Ne sait-on pas, en effet, que les éclipses de Lune se produisent au moment où le Soleil et la Lune sont en opposition par rapport à la Terre, et que les astronomes peuvent, en usant de cette règle, calculer avec une parfaite exactitude l’heure des éclipses ? Or, il n’en serait pas ainsi si la lumière ne se communiquait instantanément ; le moment de l’éclipse de Lune serait séparé du moment où le Soleil et la Lune nous paraissent en opposition de tout le temps qu’il faudrait à un rayon de lumière pour aller de la Terre à la Lune et revenir de la Lune à la Terre ; les éclipses de Lune réalisent l’expérience que voulait exécuter Fermat, mais elles la réalisent en des proportions incomparablement plus grandes ; la distance de l’observateur au miroir n’est plus d’un quart de mille ; c’est la distance de la Terre à la Lune.