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fluides calorifiques, électriques ou magnétiques, corpuscules lumineux ; lancés dans le vide, ils s’attirent au travers des espaces célestes en raison inverse du carré de la distance qui les sépare, ou bien de tout près, suivant d’autres fonctions compliquées et inconnues de leur écart ; dans ce système, la trajectoire du dernier atome matériel est déterminée avec la même précision que la trajectoire de la Terre ou de Jupiter ; au géomètre d’en obtenir l’équation générale et d’expliquer par là tous les phénomènes physiques.

Poussés par cette superbe confiance dans la toute-puissance des mathématiques, Laplace, Poisson, toute une école de géomètres poursuivent avec autant d’audace que de bonheur la réduction à l’analyse de toutes les lois de la physique ; bientôt leurs découvertes sont telles non seulement en mécanique céleste, mais encore au sujet de la capillarité, de l’élasticité, de la théorie de la chaleur, de l’électricité, qu’ils peuvent se croire en possession d’une mécanique physique conforme à la nature des choses », mécanique physique qui n’est autre que « la théorie mathématique de toutes les forces attractives de la nature ».


IV

Au commencement du xixe siècle, les hypothèses d’Huygens sur la propagation de la lumière étaient tombées dans un tel discrédit que Laplace regardait comme essentiel de les séparer de la loi de la double réfraction qu’Huygens en avait déduite ; selon Laplace, les difficultés que présente la considération des ondes lumineuses ont empêché Newton et la plupart des géomètres qui l’ont suivi d’apprécier justement la découverte qu’Huygens y avait attachée. « Ainsi, dit-il, cette loi a éprouvé le même sort que les belles lois de Kepler qui furent longtemps méconnues, pour avoir été associées à des idées systématiques dont, malheureusement, ce grand homme a rempli tous ses ouvrages. »

Au moment où Laplace reléguait la théorie des ondes au même rang que les rêves pythagoriciens de Kepler, cette théorie, ranimée par une idée nouvelle, sortait de son tombeau, et se remettait en marche.

Pour expliquer les colorations que présentent les bulles de savon et, en général, tous les corps réduits en lames extrêmement minces, Newton avait été obligé d’admettre qu’un corpuscule lumineux ne persiste pas toujours dans le même état pendant qu’il chemine le long du rayon ; quelque chose, dans cet état, varie périodiquement ; selon que le corpuscule rencontre un corps étranger en un point ou en un autre de sa route, il pénètre plus