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mainte expérience, qui font connaître l’intensité et l’état de polarisation de la lumière réfléchie et de la lumière réfractée.

Pour échapper à cette difficulté, Cauchy et la plupart des physiciens après lui admettent que deux corps élastiques contigus ne sont pas exactement homogènes jusqu’à la surface par laquelle ils confinent ; ils admettent qu’au voisinage de cette surface, la densité et la constitution des deux corps varie d’une façon très rapide, de manière à former une très mince couche de passage dont les propriétés élastiques demeurent inconnues ; comme les propriétés de la couche de passage demeurent inconnues, ils en profitent pour les supposer telles qu’elles puissent rétablir l’accord, regardé par eux comme nécessaire, entre les formules de l’élasticité et les lois de l’optique ; encore ce subterfuge ne fait-il pas disparaître toutes les difficultés ; pour éviter qu’une partie de la force vive du mouvement transversal incident se transforme en force vive de vibrations longitudinales, pour éviter, en d’autres termes, que les phénomènes de réflexion et de réfraction entraînent une perte d’intensité lumineuse contraire à l’expérience, on est obligé d’attribuer aux coefficiens d’élasticité de l’éther des valeurs qui sont inadmissibles, car elles rendraient instable l’équilibre de la substance éthérée.

Les rayons de diverses couleurs, passant d’un milieu transparent dans un autre, se réfractent différemment ; comme l’indice de réfraction est le rapport de la vitesse avec laquelle la lumière se propageait dans le milieu qu’elle quitte à la vitesse avec laquelle elle se propage dans le milieu où elle entre, il faut en conclure que les lumières de diverses couleurs se propagent, dans un même milieu transparent, avec des vitesses différentes. Or, la théorie de l’élasticité nous apprend que, dans un milieu unique et homogène, tous les petits mouvemens vibratoires transversaux se propagent avec la même vitesse, quelle que soit leur période ; la théorie de l’élasticité ne peut donc pas expliquer le phénomène de la dispersion de la lumière, du moins tant que l’on regarde chaque corps comme un milieu unique et homogène ; pour rendre compte de la dispersion des couleurs, il faut attribuer aux divers corps que traverse la lumière une constitution plus compliquée.

C’est ce qu’ont fait les physiciens ; ils ont regardé les corps comme pénétrés en tout sens par l’éther, en sorte que les molécules de matière pondérable flottent dans une atmosphère éthérée, et ils ont cherché, en s’aidant des phénomènes de dispersion, de polarisation rotatoire, d’absorption, à deviner la constitution de ce mélange d’éther et de matière ; depuis le jour où Cauchy a