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Le souffle ambroisien de ses naseaux splendides
L’enveloppait parfois d’un nuage vermeil,
Tel que la vapeur d’or dont les Époux Kronides
Abritaient leur amour et leur divin sommeil.


Il vint, et, dans le sable où l’écume s’irise.
Se coucha, saluant d’un doux mugissement
Le beau groupe immobile et muet de surprise.
Et caressa leurs pieds de son mufle fumant.


Or, le voyant ainsi prosterné, l’une d’elles.
Dont l’œil étincelant reflétait le ciel bleu,
Plus jeune et la plus belle entre les trois si belles.
S’assit sur ce Taureau superbe comme un Dieu.


Tandis qu’elle riait dans sa naïve joie.
Lui, soudain, se dressa sur ses jarrets de fer.
Et, rapide, emportant sa gracieuse proie.
En quelques bonds fougueux s’élança dans la mer.


Les deux autres, en pleurs, sur les algues marines
Couraient, pâles, les bras étendus vers les flots,
Suppliaient tour à tour les Puissances divines
Et nommaient leur compagne avec de longs sanglots.


Celle-ci, voyant fuir le doux sol d’Hellénie,
Se lamentait, tremblante : — Où vas-tu, cher Taureau ?
Pourquoi m’emportes-tu sur la houle infinie,
Cruel ! toi qui semblais si docile et si beau ?