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Vois ! la mer est stérile et n’a point de prairies
Ni d’herbage odorant qui te puisse nourrir.
Hélas ! j’entends gémir mes compagnes chéries…
Reviens ! Ne suis-je pas trop jeune pour mourir ? —


Mais lui nageait toujours vers l’horizon sans bornes,
Refoulant du poitrail le poids des grandes Eaux
Sur qui resplendissait la pointe de ses cornes
À travers le brouillard qu’exhalaient ses naseaux.


Et quand la terre au loin se fut toute perdue,
Quand le silencieux Espace Ouranien
Rayonna, seul, ardent, sur la glauque Étendue,
Le divin Taureau dit : — Ô Vierge, ne crains rien.


Je suis le Foudroyant, le Kronide lui-même,
Descendu de l’immense Éther à tes genoux !
Réjouis-toi plutôt, ô Fleur d’Hellas que j’aime,
D’être immortelle aux bras de l’immortel Époux.


Viens ! voici l’Île sainte aux antres prophétiques
Où tu célébreras ton hymen glorieux.
Et de toi sortiront des Enfans héroïques
Qui régiront la terre et deviendront des Dieux !



Leconte de Lisle.