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moindre bourgade possède son réseau téléphonique, ses ascenseurs, ses ventilateurs, ses moteurs, ses presses électriques, car elle a toujours son journal ou plutôt ses journaux. Avant tout, elle tient à honneur d’être éclairée électriquement. Ce système d’éclairage est employé même dans les régions où le pétrole ne coûte presque rien, où le gaz naturel est si abondant qu’on néglige de l’éteindre le matin pour n’avoir pas la peine de l’allumer le soir.

Enfans gâtés de la nature, les Américains agissent avec elle en vrais prodigues ; le gaspillage des richesses du sol est infini et universel. J’ai vu, à Chicago, brûler sur la voie les vieilles traverses du chemin de fer : on s’épargnait ainsi l’ennui de les enlever. Et quelle consommation prodigieuse de bois partout, dans les maisons, dans les trottoirs des rues, dans les poteaux télégraphiques énormes, avec leurs solives horizontales supportant jusqu’à deux cents fils ! « Le reboisement de nos cités », me disait un indigène. En revanche, le déboisement des campagnes a été poussé si loin que dans le pays des antiques forêts vierges on montre aujourd’hui aux étrangers, à titre de pièces curieuses, quelques spécimens d’arbres séculaires, respectés jusqu’ici par la cognée.

L’électricité remplissait à l’exposition un très large espace, correspondant bien à la place importante qu’elle occupe dans la vie quotidienne aux États-Unis. Non seulement la reine de notre époque avait son palais spécial ; elle faisait encore brillante figure au palais des machines, et on la retrouvait aussi dans plusieurs pavillons isolés. Peut-être l’effet produit aurait-il été plus frappant, si tout le terrain consacré aux appareils électriques n’eût formé qu’un seul et vaste ensemble. Cette dispersion des mêmes objets, qui ne facilitait pas précisément les comparaisons et les recherches, était le défaut général de la World’s Fair.

C’est par les grandes dimensions et la puissance que se manifestait le progrès dans les machines dynamo-électriques ; il y en avait de mille et même de deux mille chevaux. Celles que l’on destine à transmettre l’énergie empruntée aux chutes du Niagara ne doivent-elles pas développer cinq mille chevaux chacune ? Nous voilà loin de la première petite machine, présentée par M. Gramme à l’Académie des sciences de Paris en 1871. Cinq ans plus tard, les machines Gramme faisaient leur apparition à Philadelphie, et le gouvernement américain s’empressait d’acquérir tous les modèles exposés. Dès lors l’industrie des dynamos commença aux États-Unis où elle a pris depuis cette époque un si bel essor.

Dans les machines à courant continu, dont le rendement ne peut plus guère être augmenté, un type unique tend à s’établir en Amérique et en Europe. L’intensité du courant engendré peut aller jusqu’à plusieurs milliers d’ampères, mais la tension ne dépasse guère