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qui sont comprises dans un mètre, pour une radiation donnée. Le mètre est défini par une règle de platine déposée aux Archives. Sur cet étalon, on en a établi d’autres avec la précision la plus scrupuleuse. Mais rien ne garantit la fixité de ces objets matériels. La longueur d’onde afférente à une radiation déterminée, à la raie D du sodium, par exemple, est au contraire une chose immuable, la seule peut-être. Voilà donc où il faut chercher la véritable unité de longueur, ainsi que l’avait indiqué M. Fizeau, celle qui reste à l’abri des accidens terrestres. Expérimentalement, les difficultés sont extrêmes ; car cette unité de longueur par excellence ne vaut guère qu’un demi-millième de millimètre. Comment l’utiliser pratiquement en y rattachant notre mètre, presque deux millions de fois plus grand ? Comment mesurer avec exactitude le rapport de deux quantités si différentes ? M. Michelson a su triompher des obstacles au moyen d’une méthode très ingénieuse qui, procédant par échelons successifs, évite pourtant la cumulation en apparence inévitable des erreurs. L’auteur de ce beau travail est, depuis quelques mois, professeur à l’université de Chicago. Il y disposera du laboratoire que le président des trustees de l’université, M. Ryerson, vient de faire élever à la mémoire de son père avec une dotation de deux cent mille dollars (un million de francs).

À cette précision des mesures, dont nous rappelons de si probans exemples, s’ajoute la profondeur des travaux spéculatifs. Tandis que le professeur Rogers, de Boston, est aujourd’hui sans rival dans la construction des appareils de métrologie, la physique moléculaire est dignement représentée par M. Barus ; la géodésie se développe rapidement sous la direction puissante de M. Mendenhall ; le professeur Gibbs, de Yale College, l’une des grandes universités d’Amérique, poursuit ses beaux travaux sur la thermodynamique et la théorie électrique de la lumière.


IV

Fleuves immenses déroulant leurs eaux en nappes majestueuses, ou se précipitant par bonds gigantesques, lacs profonds qui sont de véritables mers intérieures, plaines sans limites, gorges sauvages, taillées à pic, dont l’œil sonde à peine les abîmes, entassemens prodigieux de rochers, volcans menaçans et geysers étranges, gisemens miniers de toute espèce, arbres de toute essence, flore et faune d’une incomparable richesse, variété infinie de climats, suivant toute l’échelle des températures, depuis la chaleur tropicale jusqu’au froid polaire, et offrant tour à tour des spectacles d’une sublime beauté ou d’une indicible horreur ; tant