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eux un sentiment du caractère dans les figures et de l’émotion dans la mise en scène que leurs ouvrages antérieurs faisaient à peine prévoir. Quelques-unes des pièces de ce concours reparaissent aux Champs-Elysées. Nous regrettons de n’y point retrouver les cartons de M. Galland, qui a obtenu le prix, ni ceux de M. Grasset, dont l’archaïsme, parfois singulier, mais savant, convaincu, animé, nous a laissé un souvenir savoureux ; mais nous y revoyons avec plaisir la série des compositions de MM. Maignan, Lionel Royer, Guillonnet. Celles de M. Maignan sont accompagnées d’une verrière exécutée, comme spécimen, par M. Champigneulle fils, Jeanne d’Arc au château des Tournelles, dont les belles colorations font comprendre et valoir les intentions du peintre. MM. Lionel Royer et Guillonnet y joignent tous les deux, un grand carton de Jeanne d’Arc au sacre de Charles VII à Reims, dans lequel chacun d’eux développe ses qualités personnelles. M. Lionel Royer est plus pondéré et plus élégant ; sa figure principale, la bonne Jeanne, celle qui a le plus tourmenté tous les concurrens, est plus simple et plus noble que chez la plupart d’entre eux. M. Guillonnet, de son côté, malgré plus d’inexpérience, fait preuve, soit dans ses cartons, soit dans ses dessins, d’une entente du groupement, d’une perspicacité historique, d’une vivacité d’exécution qui annoncent un artiste d’avenir dans cet ordre d’idées. Ce sont là des travaux dont les marchands et les amateurs s’occupent assez peu sans doute, mais qui nous semblent autrement intéressans, pour notre pays et pour notre école, que la recherche d’un puéril et agaçant tapotage plus ou moins éclatant, de taches multicolores sur quelques pouces de toile sous prétexte d’impressionnisme ou de symbolisme.

Pour en revenir à M. Rochegrosse, son Chevalier aux fleurs n’est point, tant s’en faut, un manifeste d’intransigeance vis-à-vis de l’impressionnisme et du symbolisme. De ces deux formes éternelles et fatalement renaissantes de la sensibilité expressive, le jeune artiste prend même tout ce qu’on en peut prendre en restant un peintre et un artiste. Sous ce rapport, son tableau, sans être, au point de vue technique, un chef-d’œuvre irréprochable, est assez heureux pour mériter l’estime et pour faire avancer la question. Le sujet, on le connaît, d’ailleurs, il s’explique de lui-même, dans un cadre de proportions modestes, par la seule vue, ce qui, pour une peinture, est le devoir et la vertu. L’art ne se passera jamais du symbole ni de l’allégorie, qui sont, dans nombre de cas, la seule traduction possible, pour les yeux, des idées morales ou poétiques, mais cette traduction n’est acceptable que si elle est claire ; lorsqu’il faut y joindre une seconde traduction écrite, celle du