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M. Rostand sait qu’il faut commencer par imiter. Sa pièce est comme un salut aux maîtres, charmant de courtoisie et de gentillesse. Comme les jeunes gens il aime les morceaux à effet, développemens, tirades et couplets, sur un vieux mur croulant, sur un système nouveau d’enlèvemens pour rire, sur le linon d’une robe de jeune fille. Il prodigue les vers qui chantent, les mots qui sonnent, les épithètes imprévues et les clowneries de la rime. Et cette abondance facile a quelque chose en soi de très séduisant. M. Rostand est gai, non d’une gaieté factice « d’auteur gai », ni d’une gaieté lugubre d’humoriste, mais véritablement gai. Il s’est amusé lui-même en faisant manœuvrer ses pantins. Il a de l’esprit, de la verve, de la fantaisie, de la gaminerie. Il incline vers la bouffonnerie ; et ce serait inquiétant. Mais il a des passages de délicatesse et d’élégance qui rassurent. Son vers a de la souplesse. Il sait trouver le mot qui porte et l’effet qui passera la rampe. Il a cet instinct qui fait voir les choses au point de vue du théâtre et sous leur forme scénique. Pour toutes ces raisons nous sommes disposés à croire que ce brillant début est celui d’un écrivain qui pourra fournir une carrière au théâtre.

C’est avec une sorte d’allégresse que les acteurs de la Comédie-Française ont joué les Romanesques. Ils y trouvaient à employer tous les procédés et replacer tous les jeux de scène qui leur sont familiers. Ils ont fait merveille. Il faut louer surtout Mlle Reichenberg pour sa déconcertante jeunesse, M. Le Bargy pour son élégance, et M. de Féraudy pour l’éclat et l’ampleur de son jeu.

Dans le Bandeau de Psyché, M. Marsolleau a exécuté sur un thème classique des variations qui ne sont ni sans adresse ni sans grâce. Il a été remarquablement desservi par ses interprètes, Mlle Muller et M. Dehelly.


RENE DOUMIC.