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le pays. Pour une fois, dans l’histoire de ses aventures coloniales, l’Angleterre s’était laissé devancer et avait laissé prendre par une puissance européenne une côte qu’elle convoitait.

Nachtigal ne tint d’ailleurs aucun compte de la protestation du consul anglais et ne tarda pas à montrer que l’Allemagne était bien réellement la maîtresse dans ces régions. Des indigènes partisans des Anglais ayant voulu protester contre la prise de possession de leur territoire, il fit appeler la flotte impériale, qui bombarda et détruisit les villages récalcitrans. Un grand nombre d’indigènes furent massacrés. Ayant ainsi affermi son autorité, Nachtigal s’occupa d’étendre le nouveau domaine qu’il venait de donner à l’Allemagne. Il descendit vers le sud et occupa la côte sur une étendue de 160 kilomètres jusqu’à Grand-Batanga, où il dut s’arrêter, car là commençait le territoire appartenant à la France. Il remonta alors au nord, dans le dessein de procéder à de nouvelles annexions ; mais là une désagréable surprise l’attendait : tout le pays venait d’être annexé par Hewet depuis le pied du Cameroun jusqu’aux bouches du Niger. Celui-ci en effet, aussitôt sa protestation remise, faisant preuve du plus grand sang-froid, avait déclaré anglaise la station de Victoria, puis conclu des traités avec les chefs indigènes du littoral, de manière à empêcher toute extension de la colonie allemande vers le nord. Force fut donc à Nachtigal de se contenter de la partie du littoral depuis le mont Cameroun jusqu’à Grand-Batanga et, à la fin de 1884, la colonie nouvelle comprit ainsi le mont Cameroun, les bouches du Mingo, l’embouchure du fleuve Cameroun et, dans le delta de la rivière Edia, le territoire de Malimba avec la ville de ce nom.


II

La nouvelle colonie allemande se trouvait donc avoir pour voisins des territoires anglais au nord et des territoires français au sud. Les Anglais s’étaient établis à Lagos en 1861, la France au Gabon on 1842, et depuis les deux nations n’avaient cessé de s’étendre l’une vers le sud, l’autre vers le nord, allant ainsi à la rencontre l’une de l’autre. Français et Anglais avaient donc pu se croire appelés à devenir les maîtres exclusifs de la côte, ’jusqu’au jour où les Allemands abordèrent au Cameroun. On conçoit le désagrément qu’ils durent éprouver de la fondation de la nouvelle colonie. Sur ce littoral qu’ils considéraient volontiers comme leur futur domaine, un tiers venait qui s’en appropriait la plus belle et la plus salubre partie. Ce nouveau voisinage n’était pas d’ailleurs sans leur inspirer quelques inquiétudes. Les Allemands