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familière à beaucoup d’esprits. La réalisation parut ne pas présenter d’obstacles insurmontables. On pouvait accéder au lac Tchad par la route laissée libre entre la colonie du Cameroun et l’Oubangui, et il faut dire que la topographie et l’hydrographie de la contrée allaient se prêter admirablement à ce dessein. Deux magnifiques artères fluviales, affluens de la rive droite du Congo, nous ouvraient deux faciles voies de pénétration vers le nord, et au-delà de la ligne de faîte de leur bassin, une autre grande rivière, le Chari, nous conduisait directement au lac Tchad. La réunion sur les bords de cette nappe d’eau de l’Algérie, du Sénégal et du Congo fut alors la formule simple et concrète qui s’imposa à tous les esprits.

En France, où l’on apporte aujourd’hui un si grand intérêt aux questions coloniales, les bonnes volontés et les hommes ne pouvaient manquer pour la réalisation de ce programme. Un comité composé de noms éminens empruntés au monde de la presse, de la politique et de la finance se constitua à Paris le 10 décembre 1890 sous le nom de Comité de l’Afrique française, ayant pour objet de reconnaître le pays compris entre l’Oubangui et le lac Tchad, de développer notre commerce dans cette région, d’y asseoir notre influence et d’acquérir ainsi les droits du premier occupant. Crampel, déjà connu par son exploration au nord du Congo et par sa montée de l’Oubangui, vint offrir son concours au Comité et exposa un plan simple et pratique qui consistait à remonter par l’embouchure du Congo jusqu’à l’Oubangui, à arriver au Baghirmi, à passer au Bornou, à jalonner la route ainsi suivie par une ligne de traités qui supposeraient à l’extension vers l’intérieur des possessions anglaises et allemandes ; il vit ses offres acceptées. Le 10 mars 1890 il s’embarquait à Bordeaux, arrivait à l’embouchure du Congo, dont il remontait le cours jusqu’à son confluent avec l’Oubangui, le cours de cet affluent jusqu’au point où cette rivière s’avance le plus au nord, vers le 5°10’ de latitude, franchissait la ligne de faite du bassin de l’Oubangui et du Chari. Trahi par ses guides, il périssait à El-Kouti, non sans avoir montré la route à suivre à ses successeurs. Dybowski, qui vint après lui, vengeait sa mort ; mais, vaincu par la maladie, il rentrait en France, laissant son personnel au poste de la haute Kémo, affluent de l’Oubangui, et Casimir Maistre lui succédait dans son commandement. Accompagné de MM. de Clozel, de Béhagle et Bonnet de Maizières, Maistre partait du poste de la Kémo, atteignait le Gribingui, principale branche du Chari, recevait le meilleur accueil des fonctionnaires du sultan du Baghirmi établis dans le pays, visitait la ville de Laï, située sur la