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précisément rejeté de l’Avesta le mot aryen de dêva comme impliquant la pluralité des dieux. La théorie des deux principes n’est qu’une explication philosophique, qu’il ne faut pas confondre avec le système religieux de Zoroastre. Ahoura-Mazda est le seigneur souverain et omniscient, le créateur, qui gouverne avec justice le monde visible et le monde invisible. Quand les temps seront accomplis, Ahriman et l’enfer seront détruits, tous les morts ressusciteront et un bonheur éternel régnera dans le monde.

Une évolution dans le même sens s’est opérée au sein du brahmanisme depuis soixante ans. En 1830 un brahmine, Raja-Ram-Mohan Roy, fondait le brahmo-somaj ou « société de Dieu » pour épurer la religion des Hindous de ses 33 millions de dieux ou de déesses et de ses rites cruels ou démoralisans. Cette société a créé un grand mouvement d’opinion, qui a permis au gouvernement anglais d’abolir le suicide des veuves, de relever l’âge minimum du mariage légal, et qui tend à amener le croisement des castes. Les membres de cette association, qui a pris une grande extension, reconnaissent la Bible comme Écriture sainte, au même titre que les Védas et les Upanischads, adorent un seul Dieu vivant, père de toutes les races ; et saluent dans le Christ le plus divin des prophètes de l’humanité. Le brahmo-somaj était représenté à Chicago par trois délégués, dont l’un s’est bientôt placé, par son éloquence, au premier rang des orateurs du congrès. Le protab Chunder-Mozoumdar est un homme de 55 ans, de la caste des brahmanes, au pur type aryen : il a le front d’un penseur, des yeux noirs, où la douceur s’allie au rayonnement d’une foi ardente, les cheveux et la barbe sont encore très noirs. Il est l’auteur d’un livre intitulé : Le Christ oriental, dans lequel il a montré combien la voix des Évangiles fait écho à la prédication des Védas.

On pourra juger de cette consonance par le passage suivant du discours de Mozoumdar, sur la Dette religieuse du monde envers l’Asie (21 sept. 93).

Après avoir rappelé que c’est à l’Asie que le monde doit ces grandes choses : l’intuition de l’esprit de Dieu immanent et agissant dans la nature, l’introspection ou conscience que Dieu agit en nous ; l’adoration aimante et joyeuse, s’exprimant par des prières et des hymnes, et le renoncement aux plaisirs des sens, renoncement poussé jusqu’au dernier terme de l’ascétisme, Mozoumdara ajouté : « La maîtrise de soi-même ou renoncement n’est qu’une partie de l’éducation spirituelle de la volonté ; l’autre partie, c’est l’obéissance, c’est la consécration de nous-même à la volonté de Dieu et au service de l’humanité. La discipline de nous-même n’est qu’un moyen pour atteindre ce but supérieur : nous soumettre et nous identifier à la volonté de Dieu. Le grain de froment tombe