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appuyé sur un régicide, l’autre sur un prêtre marié, tous les deux affublés de la cocarde blanche.


VIII

Ce fut après cette seconde Restauration que nous payâmes le traité coupable signé par Talleyrand à Vienne, avec l’Angleterre et l’Autriche.

Alexandre, après Waterloo, demeurait généreux comme en 1814, il ne s’associait pas aux fureurs prussiennes. Lorsque Blücher parla de faire sauter le pont d’Iéna, il répondit que, « quant à lui, il lui avait suffi de faire défiler ses troupes sur le pont d’Austerlitz. » Il n’abandonna pas même son idée de 1814, la préparation d’une alliance entre la France et la Russie, alliance tellement utile, tellement nécessaire, dans les intérêts communs, que, si les souverains ne savaient pas la former, les peuples la contracteraient entre eux[1]. Mais ses dispositions envers Louis XVIII et envers Talleyrand étaient fort modifiées. Un parti prussien avait trouvé une copie du traité secret de Vienne sur un ami de Talleyrand, Reinhard, notre ministre à Francfort, arrêté et fouillé au moment où il allait franchir la frontière, et l’avait communiquée au Tsar.

Dégoûté par cette révélation, plus encore que par les déconvenues précédentes, de ceux qui reconnaissaient si mal ses services, doutant qu’une charte libérale pût fonctionner régulièrement entre de telles mains, Alexandre avait songé à l’intronisation du duc d’Orléans à la place de Louis XVIII. « Il est Français, avait-il dit, il est Bourbon, il est mari d’une Bourbon ; il a des fils ; il a servi étant jeune la cause constitutionnelle ; il a porté la cocarde tricolore, qu’on n’aurait jamais dû quitter. »

Les Anglais et ses propres conseillers le détournèrent de ce projet. Alors il eût voulu que la nation fût consultée, au moins sur l’acte constitutionnel, déclarant qu’il ne s’opposerait pas même à la république, si elle entendait être régie ainsi. Les Anglais s’opposèrent encore : ils n’admettent pas la distinction du constituant et du législatif ; Guillaume et Marie furent appelés au trône par un simple acte du Parlement.

Alexandre n’ayant trouvé aucun moyen pratique de se débarrasser des Bourbons, se résigna à Louis XVIII, sans prendre de même son parti de Talleyrand. En désignant celui-ci comme l’homme le mieux fait pour consolider une alliance entre la France et l’Angleterre, les ministres anglais auraient dû rendre

  1. Vitrolles, t. III, p. 154.