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à l’influence de l’Angleterre n’était qu’un des moyens de l’hostilité européenne organisée contre nous en 1815, notre boulet au pied vers le midi, comme la Belgique Tétait au nord. On avait doré l’hostilité belge du nom de neutralité, ce qui permit de l’accepter. Aucune supercherie de ce genre n’étant plausible en Espagne, un gouvernement français, fût-il représenté par Talleyrand, était obligé d’y sauvegarder notre influence avec autant de sollicitude que l’Angleterre en employait à la détruire.

Louis-Philippe n’y manqua pas. Son gouvernement ayant été informé d’un projet de traité à trois, entre le Portugal, l’Espagne et l’Angleterre, dont la France était exclue, il se plaignit. Palmerston lui offrit d’adhérer au traité en nous plaçant dans un rang subalterne. C’était attendre de notre longanimité plus qu’elle ne pouvait accorder. Talleyrand reçut l’ordre d’exiger que la France intervînt comme cocontractante, stipulant au même titre que l’Angleterre. Après bien des difficultés, il l’obtint, et l’alliance devint quadruple (22 avril 1834). Mais, selon l’observation de Papinien : Plus est in opinione quam in veritate. Dans les affaires des hommes, ce qui paraît a plus d’importance que ce qui est. Cette négociation, par laquelle s’était manifestée une fois de plus la malveillance de Palmerston, fut considérée comme un témoignage de plus de son amitié. Il fut admis que l’alliance des cabinets libéraux s’opposerait partout désormais à l’action rétrograde des cours de la Sainte-Alliance.


XIII

Tant que Talleyrand avait consenti à libeller les idées que lui imposait Palmerston, il n’avait eu que des satisfactions. Dès qu’il fut obligé de les contredire, il n’éprouva que des dégoûts. La disposition au respect n’était pas développée chez le ministre anglais ; il était d’ailleurs impatienté de l’importance exagérée que se donnait le vieux Talley, comme il l’appelait. Il finit par le prendre de très haut, fixant des rendez-vous auxquels il n’était pas lui-même exact, et il le fit parfois attendre plusieurs heures dans les antichambres du Foreign Office.

Les mauvais procédés personnels produisirent sur le vieux diplomate, déjà habitué au rôle de fétiche, un effet de désenchantement auquel ne l’avaient pas conduit les irrévérences envers sa nation. « Il quitta l’Angleterre fortement affecté de l’arrogance et de la présomption anglaises[1]. » Alors, il jeta au vent son dogme diplomatique de l’alliance anglaise avec autant de

  1. Bulwer.