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certain. Toute une série de commissions militaires, scientifiques, maritimes, hydrographiques et autres s’organisèrent successivement en Espagne, et durant de longues années tentèrent sans succès, — et parallèlement à des voyages de fonctionnaires chérifiens qui sur terre suivaient la côte, — de reconnaître et de déterminer la localité introuvable. Le makhzen marocain s’empressa du reste de proposer comme compensation au gouvernement de Madrid la cession de différens points tous plus inhospitaliers les uns que les autres de cette côte déserte et si mal famée à tant de titres. C’est ainsi que Moulaï-el-Hassan offrit El-Bouidha et quelques autres territoires également privés d’eau à plusieurs centaines de kilomètres à la ronde.

Reprenons notre récit. De l’embouchure de l’ouad Massa, on se dirigea vers Tiznit. On espérait par Aglou atteindre Agoulmine, le grand marché de l’extrême-sud, véritable entrepôt et point de départ d’une partie, des grandes caravanes qui s’y organisent pour faire le commerce avec le Soudan. Mais le sort en décida autrement. La famine continuait en effet de faire d’horribles ravages dans tout le pays et jusque dans les rangs de l’armée, dont les effectifs fondaient à vue d’œil. Pour comble d’infortune, la mer était si mauvaise qu’à Aglou on ne put, malgré les plus grands efforts, débarquer les céréales nécessaires à l’alimentation des troupes. La situation devenait de jour en jour plus critique quand on reçut des vivres expédiés d’Agadir par terre et qui arrivèrent fort à propos. La cour marocaine s’arrêta à Tiznit, petite localité située aux confins de Tazeroualt. Moulaï-el-Hassan y convoqua tous les cheikhs et personnages importans de la région et des environs, et en premier lieu le fameux Sidi-el-Hoçein-ould-Sidi-Hecham, le chef du Tazeroualt, ainsi qu’El-Habib-ould-Bérouk, ce dernier, cheikh de l’ouad Noun, dont le père s’était acquis une certaine célébrité au commencement du siècle par la façon dont il s’était entremis pour le rachat et la livraison de malheureux marins européens naufragés en ces parages et réduits en esclavage par les tribus de la côte. Si-el-Hoçein avait de bons motifs, ainsi que nous l’avons vu, de se délier des suites qu’aurait pour lui, s’il s’y rendait, la convocation du sultan. Il ne bougea donc pas de sa citadelle et se contenta d’envoyer au sultan son fils aîné, restant sourd aux protestations d’amitié que Moulaï-el-Hassan lui fit faire en son nom. Aux chefs et grands personnages mandés, Sa Majesté Chérifienne représenta le danger qu’ils couraient d’une invasion de chrétiens, lesquels sur différens points de la côte, et à des titres divers voulaient s’installer pour de là s’infiltrer insensiblement dans le pays. Usant avec habileté de l’argument que