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de la société sur le continent, et que le système nouveau n’est pas d’accord avec les quatre règles de l’impôt selon Adam Smith. » Et M. Goschen, s’interrompant dans sa citation, s’est écrié : « Hérésie économique ! C’est aujourd’hui la pierre fondamentale du budget du chancelier de l’Echiquier ! « Puis, reprenant la citation de sir Louis Mallet, il l’achève :

« Le but que doivent toujours se proposer les gouvernemens, c’est d’encourager ce qui développe l’industrie et l’épargne, et il n’y a pas de plus désastreuse folie que de considérer la richesse de la même façon que le moyen âge considérait les classes commerçantes, comme bonnes à exploiter par la rapacité fiscale. »

Nos radicaux français devraient donc se dire cousins des Allemands plutôt que des Anglais. Il ne faut pas changer sa marque de fabrique pour placer plus aisément sa marchandise.

La discussion anglaise du budget de sir William Harcourt ne pouvait donc faire aucune impression sur nous, et il n’est pas probable qu’elle en fasse davantage sur nos adversaires. Les points de vue sont autres. On aura de la peine à faire passer la Manche aux idées du chancelier de l’Echiquier d’Angleterre, idées qui n’ont rien gagné à s’imprégner de germanisme.

Ni dans l’histoire ancienne de l’Assemblée nationale française de 1789, ni dans l’histoire récente du budget radical d’Angleterre, on ne trouvera donc rien qui puisse nous empêcher de nous dire à la fois les héritiers des grands hommes de 1789 et les fidèles disciples de l’école de la liberté républicaine.


VI

Ayant écarté les obstacles qu’on veut opposer à notre discussion en nous reprochant de ne pas comprendre le libéralisme comme les Anglais, nous restons donc, en France, maîtres de notre terrain. Nous nous y trouvons en présence de deux systèmes financiers, celui de 1789 et celui de 1793 : nous n’hésitons pas à nous rallier au premier et à combattre le second.

Mais comment réaliser le système de 1789 et lui donner une élasticité suffisante pour parer aux difficultés du moment ? C’est une question d’un ordre particulier à laquelle il ne nous paraît pas difficile de répondre.

Il faut avant tout se bien persuader qu’il est impossible de rétablir l’équilibre troublé du budget français et de le rendre stable par la seule réforme des impôts. On ne saurait trop le répéter, les impôts ne sont pas trop lourds en ce moment par