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L’État chrétien considère le mariage comme un sacrement, et il estime que l’école primaire est essentiellement destinée à faire l’éducation religieuse des peuples. « Nous voulons des maîtres chrétiens pour des écoliers chrétiens, » ont dit les conservateurs dans leur programme de 1892. Ce n’est pas assez que l’école soit ouverte aux prêtres et aux pasteurs chargés d’expliquer aux enfans leur catéchisme et leurs devoirs envers Dieu ; il faut que l’instituteur mette son enseignement en harmonie avec le leur, qu’il s’applique à inoculer à la jeunesse un peu de ce vaccin qui peut seul la préserver des maladies mortelles de l’esprit, si répandues aujourd’hui, la soustraire à l’action malfaisante de ces microbes qu’on absorbe avec l’eau qu’on boit, avec l’air qu’on respire. Qu’on n’objecte pas qu’il est bien difficile de faire servir l’enseignement de l’arithmétique, de l’orthographe, de la grammaire, de la géographie à l’édification des âmes ! Si l’instituteur a été trié sur le volet, s’il est un bon chrétien, quoi qu’il enseigne, il fera sa part au dogme ; il prendra de tout occasion de rappeler à ses élèves qu’ils ont un Dieu et un roi. Qu’il se garde bien de rester neutre en religion et en politique ! Il ne serait plus qu’un de ces tièdes que le Seigneur vomira de sa bouche. Cette neutralité déplorable est une pratique courante dans l’école mixte ; l’instituteur se dit sans cesse : « Il y a ici des fils d’israélites et de déistes ; ne disons rien qui puisse les blesser. » Comme le parti du centre catholique, les conservateurs protestans ont l’école mixte en horreur, ils se sont toujours prononcés énergiquement en faveur de l’école confessionnelle. L’empereur Guillaume II leur fit un grand plaisir quand il autorisa M. de Zedlitz à présenter ce fameux projet sur l’enseignement primaire, qui a soulevé dans les universités une si vive opposition. Mais il prouva, en retirant ce projet, qu’il faisait passer la politique de raison avant la politique de sentiment, qu’il aimait mieux mécontenter ses amis que de se brouiller avec l’opinion publique.

Le bien que l’État fait à l’Église, l’Église le lui rend avec usure. Qu’il la patronne, qu’il la protège, qu’il la défende contre ses ennemis ! Il peut être certain qu’à son tour elle le défendra contre les menées des démagogues et les conspirations des sociétés secrètes. Quand elle est contente du prince, elle enseigne que la royauté est une institution divine, que lui désobéir est une impiété ; qu’on ne peut manquer à son roi sans offenser son Dieu. La religion seule peut donner une assiette inébranlable au principe d’autorité. Le droit divin est une doctrine qui ne s’enseigne plus dans les facultés de droit. Qui l’enseignera si ce n’est l’Église ?

Stahl, qui était un croyant, allait jusqu’à dire que non seulement Dieu communique aux souverains un peu de sa majesté, mais qu’il leur donne en partage cette parfaite indépendance qui est le plus glorieux de ses attributs, « qu’un roi est un être sans besoins ; qu’il ne peut et