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finiront par se réconcilier, grâce à une « combinaison » qui est, à la vérité, difficile à trouver. Pour la première fois, le Saint-Père semblait consacrer une œuvre italienne, et celle de toutes à laquelle l’amour-propre de nos voisins s’est le plus légitimement attachée. Ils lui en ont su grand gré. Peut-être aussi, — mais nous ne voulons pas insister sur ce point, — ont-ils cru que la décision du Vatican serait peu agréable à la France, ce qui ne laissait pas d’en augmenter encore l’intérêt. La nouvelle préfecture apostolique est, en effet, détachée de celle qui appartenait jusqu’à ce jour aux lazaristes français de Kéren. Nos missionnaires sont dépossédés au profit des missionnaires italiens ; mais, si nous pouvons regretter la nécessité qui s’est imposée au Saint-Siège, avons-nous le droit de nous en plaindre ? Le pape fait pour l’Italie en Erythrée ce qu’il a fait pour la France en Tunisie, ce qu’il fait partout en vertu d’une règle dont on ne saurait contester la sagesse et qui consiste à reconnaître les situations défait, afin de s’y accommoder. Les mêmes capucins italiens qui vont être chargés de la préfecture apostolique d’Erythrée ont été forcés autrefois de quitter la Tunisie lorsque notre établissement y est devenu définitif. Le cardinal Lavigerie n’a pas hésité à les faire embarquer, et, bien que le procédé ait été un peu leste, le pape l’a accepté. L’établissement des Italiens en Erythrée a, dès maintenant, un caractère assez solide pour que le Saint-Siège y prenne les dispositions qu’il prend ailleurs : il a donc remis l’administration spirituelle de la colonie entre des mains italiennes. Nous n’avons rien à dire à cela, convaincus que le Saint-Siège respectera partout nos propres intérêts et les droits qu’une longue tradition nous a assurés. Mais, pour revenir à M. Crispi, on n’ignore pas avec quelle ardeur passionnée il s’est épris de tout ce qui touche cette colonie érythréenne dont il a fait sa chose, et où un récent et brillant succès vient de lui causer une joie si profonde. Patriote avant tout, facilement impressionnable, prompt aux manifestations extérieures, il a cru sans doute que la satisfaction que lui donnait le Saint-Père l’obligeait à faire quelque politesse au bon Dieu, et il a associé son nom à celui du roi, en invoquant au surplus l’autorité de Mazzini. Tout donne à croire que le discours de Naples n’a pas eu une autre portée.


Celui que M. le comte Kalnoky vient de prononcer devant la délégation autrichienne a eu, ce nous semble, une signification plus précise. On attache, chaque année, une certaine importance à ce discours, et on s’efforce, non sans quelque subtilité parfois, d’y lire même entre les lignes, afin de deviner les modifications plus ou moins insensibles qui ont pu s’introduire dans l’orientation politique de la monarchie. Le discours de cette année n’a pas besoin de commentaires : il est d’une netteté parfaite. L’intention pacifique en est évidente et sincère.