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de son père, et si c’est le neveu qui hérite, on le voit en général atteint d’une affection mentale différente de celle de son oncle. Il faut donc convenir que ce qu’on entend par hérédité dans les maladies mentales ne répond pas le plus souvent à la définition de l’hérédité biologique normale.

Cette dissemblance si fréquente dans l’hérédité de la folie s’accentue si on considère les alliances de la famille psychopathique. Dans les familles d’aliénés, on rencontre en effet très fréquemment des troubles nerveux très différens par leur aspect. Un psychiatre anglais, Prichard, a désigné sous le nom de folie morale un trouble d’esprit qui non seulement entraîne à des actes anormaux et le plus souvent nuisibles, mais s’accompagne d’un défaut de conscience de la valeur morale de ces actes. Ce genre de folie diffère de la folie impulsive dans laquelle le malade est poussé à des actes violens, nuisibles ou criminels, par une force invincible, mais qui lui laisse l’appréciation plus ou moins saine de la valeur de ces actes. Ces formes morbides, qui ne vont guère sans quelque trouble général de l’intelligence, ont une analogie frappante avec le vice et le crime.

Le vice et le crime sont du reste, comme la folie, souvent héréditaires : on observe aussi chez les criminels l’hérédité directe et similaire, mais bien plus souvent ils se rencontrent combinés dans les familles avec les troubles de l’esprit les plus divers : folie, imbécillité, idiotie, etc. Ce n’est pas seulement dans la même famille qu’on observe la combinaison de la folie et du crime : c’est souvent aussi chez le même individu. Les médecins des établissemens pénitentiaires ont constaté depuis longtemps la fréquence des troubles mentaux chez les détenus, et ils ont acquis la conviction que les causes de la folie dite pénitentiaire sont inhérentes au prisonnier et non à la prison. Du reste, on l’a déjà remarqué, la débauche, les perversions instinctives se rencontrent fréquemment dans les antécédens héréditaires des aliénés. Lorsque la maladie se caractérise chez un délinquant, elle éclaire d’un jour nouveau la multiplicité des condamnations antérieurement subies. Du reste, les criminels et les fous sont unis aussi bien par l’analogie de leurs caractères morphologiques et psychologiques que par l’hérédité. Les grandes commotions sociales, en fournissant une occasion aux instincts criminels, et une excitation aux prédispositions vésaniques, peuvent mettre en lumière des monstruosités psychiques héréditaires et manifester pour ainsi dire expérimentalement le lien qui unit ces deux tares. Parmi ceux qui ont pris une part particulièrement malfaisante aux insurrections de ce siècle, on cite bon nombre d’individus qui ont été traités comme aliénés, ou qui ont eu des aliénés dans leur famille. Ces associations et ces