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être conduite très commercialement ; les locataires en retard, par exemple, doivent être congédiés.

En Angleterre une femme, miss Octavia Hill, se consacra à une œuvre du même genre, dès 1864. Elle commença avec 19 000 francs ; une vingtaine d’années après, elle avait 3 000 locataires ; elle supprima les middlemen ou locataires principaux. Le célèbre esthéticien Ruskin confia 75 000 francs à miss Hill, en stipulant que l’affaire serait conduite d’après les principes commerciaux stricts. On parvint à édifier des chambres convenables dont le prix de revient était de 50 livres sterling (1 250 francs) et qui, par conséquent, en tenant compte des charges diverses et de l’entretien, pouvaient se louer 65 à 70 francs par an. Miss Octavia Hill était très opposée à toute subvention de l’Etat, même à des prêts à un intérêt trop réduit. On connaît la fondation Peabody, à Londres, pour des logemens populaires : elle repose sur des principes un peu différens. Néanmoins, les immeubles Peabody rapportent en moyenne 3 pour 100, et ceux de miss Octavia Hill 4 à 5 pour 100[1].*

Il existe ainsi en Angleterre, à l’heure présente, 2 372 Building Societies qui, la plupart, fonctionnent sur le principe que nous venons de décrire. Elles comptaient 587 856 membres à la fin de l’année 1892 ; elles disposaient de 40 641 000 livres sterling, dont 24 729 000 versés par des actionnaires et 14 911 000 par des déposans, ensemble 1 milliard de francs. Leurs bénéfices s’étaient élevés à 1 897 000 livres sterling, près de 50 millions de francs, ou environ 5 p. 100 de ce capital consacré à construire des logemens convenables pour les petites gens.

Il ne s’agit pas ici, à proprement parler, d’édifier des maisons pour les vendre aux ouvriers, comme l’a fait la société ouvrière de Mulhouse, ce qui est une organisation parfois heureuse, mais dangereuse quand on l’étend et qu’on l’introduit dans de petites villes à industrie unique et exposée à péricliter. On se contente de créer des logemens sains, à bon marché, indemnisant convenablement ceux qui les construisent et qui les gèrent.

L’expérience a été reprise en France avec un très grand succès à Lyon, par un groupe de philanthropes pratiques, dont l’un, M. Mangini, a un admirable don d’organisation. Il a été construit ainsi dans cette ville 90 maisons contenant un millier de logemens populaires. Cette entreprise de logemens simples, mais décens et hygiéniques, produit 5 1/2 pour 100 de bénéfices dont les actionnaires reçoivent 4 pour 100, maximum statutaire, le surplus accroissant les réserves.

  1. Arthur Raffalovich, le Logement du pauvre, notamment pp. 26, 27, 194 à 197, 449 à 455, 466.