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Les objections que l’on peut élever contre ces œuvres ont peu de portée. De ce qu’elles ne profitent pas à tout le monde, ni aux gens les plus pauvres, il n’en résulte pas qu’elles soient dépourvues d’utilité pour une classe très considérable d’ouvriers et de petits employés. De même, si certaines de ces institutions risquent, au bout d’un certain temps, un demi-siècle par exemple ou trois quarts de siècle, de dégénérer ou de se corrompre, on n’en peut conclure qu’elles n’aient pas rendu des services ; c’est seulement une preuve que rien sur cette terre n’est définitif et qu’il faut, à chaque moitié de siècle, par exemple, modifier les types et les méthodes. Ces installations ont donné le goût de la décence et de l’hygiène de la demeure; elles ont fourni des modèles que nombre d’entrepreneurs privés ont ensuite imités.

Ce qui se fait pour le logement se peut faire encore pour la nourriture. Là aussi les Lyonnais ont donné des exemples très heureux: ils ont fondé des restaurans populaires où les portions reviennent à un prix très bas et qui, cependant, paient un intérêt convenable, 3 ou 4 pour 400, au capital engagé.

En s’associant aux œuvres de ce genre, la fortune remplit, sans s’amoindrir, sa fonction sociale. Le champ ouvert à cet emploi sympathique et cependant rémunérateur des capitaux est presque illimité; il se prête aux expériences les plus variées.

On pourrait multiplier les exemples de ces interventions heureuses d’hommes riches pour mettre les agencemens et les combinaisons perfectionnés à la portée des classes populaires. Ainsi la Société industrielle de Mulhouse se préoccupait d’assurer les mobiliers ouvriers. Certaines compagnies, moyennant une prime uniforme de 5 fr. par an, assurent bien à tout officier 2 000 fr. pour ses effets personnels, 1 000 fr. pour son mobilier, 5 000 fr. pour les risques locatifs et 2 000 fr. pour les recours des voisins. On pourrait, pour les assurances des mobiliers ouvriers, imiter ces assurances militaires.


V

La troisième fonction sociale de la fortune consiste dans le patronage gratuit, les œuvres non rémunératrices. C’est encore là un des modes d’emploi à la fois d’une partie des loisirs et d’une fraction du superflu des revenus, après la part faite à la vie large, au luxe légitime, à l’épargne suffisamment ample, et à la catégorie d’entreprises qui vient d’être étudiée.

Il suffit ici de quelques mots. Le contact ne doit pas être perdu entre les différentes conditions sociales ; le patronage est le moyen de le maintenir. Quelles que soient les susceptibilités démocratiques,