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des billets gratuits d’excursion à celles qui ne peuvent prendre qu’un très court congé. Ce qui rachète le luxe effréné de New-York, c’est une dépense égale d’intelligente philanthropie. Quand m’apparaissent par exemple dans Fifth Avenue les palais des Vanderbilt, je me dis que cette richissime famille a bien le droit de se loger royalement ayant contribué à l’abri matériel et au progrès social d’un grand nombre. Les associations chrétiennes d’hommes et de femmes n’ont pas eu de patrons plus généreux.

Au coin sud-ouest de la rue 23 sont les bâtimens de the Young Men’s Christian Association, avec leur entourage de terrains réservés aux exercices athlétiques. Là, 7 000 jeunes gens qui, sans ce refuge, passeraient probablement leur soirée d’une façon moins saine, trouvent des livres, des conférences, des classes, des jeux, toutes les occasions de s’instruire et de s’amuser honnêtement. D’innombrables visiteurs s’ajoutent aux membres réguliers. Ceux-ci ne couvrent guère qu’un tiers des dépenses qui montent à cent mille dollars par an ; ce sont des amis qui font le reste. De même dans la Quinzième rue les regards des passans sont frappés par une construction élégante en pierre brune où ressortent les mots : Young Women’s Christian Association. J’y entre un soir ; les nègres du vestibule me conduisent dans la très jolie chapelle, puis dans le vaste sitting room qui, avec ses sièges confortables, ses divans, ses tapis, a toute l’apparence d’un salon de famille. Je monte par l’ascenseur au premier étage, j’atteins la bibliothèque, les salles de lecture où l’on peut se procurer tous les journaux, tous les magazines ; la jeune bibliothécaire m’introduit dans une espèce d’atelier ; ici les élèves de l’école de dessin voisine viennent chercher des modèles ; les partitions et les morceaux de musique sont prêtés gratuitement ; il y a une classe de sténographie, d’écriture à la machine ; on prend des leçons pour la tenue des livres. Attenant à la maison, avec une entrée distincte, se trouve le restaurant. Salles bien éclairées et ventilées, où sur de petites tables, servies avec les recherches d’une minutieuse propreté, des femmes, occupées tout le jour dans les administrations, les écoles ou les ateliers trouvent un bon repas au prix le plus modeste. Celles qui sont là ont l’air de dames ; pourtant il y a encombrement, chacune attendant son tour. Je vois payer trente sous un dîner de cinq plats, café compris, ces plats minuscules que l’on sert à la fois, sans se soucier qu’ils refroidissent, dans tous les hôtels d’Amérique qui ne sont pas sur le plan européen ; ils font penser à un menu japonais ou à une dînette de poupée. L’entremets ne manque pas, l’éternelle crème glacée, ice cream.

Aux bâtimens de l’Association chrétienne est annexée cet