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EN PROVENCE


En Provence le ciel nocturne
Semble un bleu filet transparent
Où le brûlant vol taciturne
Des pâles étoiles se prend.

Et les filles deviennent folles,
A voir sur des ailes de feu
Ces palpitantes lucioles
Errer dans ce grand réseau bleu.

En Provence la mer exhale
Lorsque le soir la baise aux yeux
Un soupir d’extase idéale,
Si tendre et si mystérieux,

Que les amantes délaissées
En l’écoutant ont froid au cœur,
Et que les jeunes fiancées
En pensent mourir de langueur.


Cannes.


NARCISSES


Frêles narcisses blancs et qui semblez me suivre
De votre souffle, à l’heure où, penché sur mon livre,
Je m’attarde à rêver parmi des vers aimés,
Que je comprends, ô blancs narcisses parfumés.
Le cher conseil qu’avec votre bouche muette
Vous donnez tendrement à l’âme du poète :
Vous lui dites d’aller, cueillant dans son esprit
Chaque blanche pensée alors qu’elle fleurit
Pour en faire un bouquet aux arômes suaves
Que la femme aux doux yeux, le jeune homme aux yeux graves,
Aiment à respirer longuement et souvent
Comme je vous respire, ô mes fleurs, — en rêvant.


Cannes.