Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 126.djvu/964

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soit porté à le croire ; comment, d’ailleurs, n’aurait-il pas ratifié des lois qu’il avait lui-même conseillé de voter? On se rappelle son voyage à Pesth et la pression qu’il a exercée personnellement sur la Chambre des magnats pour l’y décider. La vérité est que, parmi les ministres, deux surtout avaient provoqué son vif déplaisir, le ministre de la justice, M. Szilagyi, pour l’excès d’ardeur qu’il a apportée dans la défense des lois nouvelles, et le ministre de l’intérieur, M. Hieronymi, pour le défaut de zèle qu’il a mis à réprimer les scandales électoraux provoqués par le fils de Kossuth. François-Joseph aurait voulu voir disparaître ces deux ministres, et il mettait sans doute cette condition à la démarche qu’on attendait de lui. M. Weckerlé n’a pas cédé ; il a senti qu’il ne pouvait pas se séparer de ses collègues, du moins en ce moment, sans une certaine humiliation, et il a enfin obtenu la ratification royale. Lorsqu’il est venu annoncer la bonne nouvelle, il a été reçu avec enthousiasme par la Chambre des députés. La ville de Pesth s’est livrée à des manifestations joyeuses ; elle prépare des illuminations. Les clubs libéraux envoient des adresses de remerciement et des protestations de fidélité au souverain. Tout est bien qui finit bien; mais il serait dangereux, soit d’un côté, soit de l’autre, de s’exposer souvent à de semblables épreuves. Le succès du ministère est complet et mérité : M. Weckerlé fera bien, toutefois, de veiller à ce que ses collègues apportent un peu plus de soin à ménager les susceptibilités sur quelques points légitimes du souverain.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-gérant,

F. BRUNETIERE.