Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 127.djvu/150

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

j’aimais. Je l’ai eue en effet, pendant un an, et elle est morte. C’est pour elle et en son unique souvenir que je veux payer les dettes de son père. » Il y avait tant de grandeur dans le naturel avec lequel tout cela fut dit, que j’en fus ému profondément. Inutile d’ajouter que j’acceptai les conditions offertes par mon interlocuteur, qui furent ponctuellement exécutées.

Le financier dont je tiens ce récit, m’a conté d’autres épisodes de dévouement remarquable, que le cadre de cette étude ne me permet pas d’y rapporter, et qui montrent que l’argent ne dessèche pas toujours le cœur.


VI

Toutes les pertes des établissemens de crédit ne sont pas le résultat de fraudes coupables. Dans un pareil mouvement de papier, il se produit forcément quelques erreurs : un nom est pris pour un autre, un ordre de bourse est mal interprété, un titre peut être délivré par mégarde à un client auquel il n’appartient pas. Pour se rendre compte de la diversité des services qui gîtent côte à côte en ces temples de la richesse mobilière, il suffit de parcourir le plus récemment édifié, celui du Crédit lyonnais.

Sous le plancher de verre de ces halls où la foule, à certaines heures, entre et sort à flots si pressés qu’ils semblent un prolongement du trottoir, dorment deux étages de sous-sols silencieux et vides ; point inutiles cependant. Là se trouve l’imprimerie de la société, où les 2 000 modèles de papier à lettres, cartes, enveloppes, fiches, bordereaux, chemises, tableaux et prospectus nécessaires au fonctionnement quotidien des bureaux de Paris et de province sont confectionnés par une vingtaine d’ouvriers. Plus loin une machine de 160 chevaux produit l’électricité, et actionne les pompes qui fournissent chaque jour : d’abord les 100 mètres cubes d’eau dont la maison a besoin pour se débarbouiller, puis 100 autres mètres cubes pour faire mouvoir les ascenseurs et les monte-charges. Cette eau, tirée d’un puits de 110 mètres de profondeur, qu’alimente la rivière souterraine de la Grange-Batelière, ne viendra-t-elle pas à manquer un jour ? Sollicité par les pompes voisines de l’Opéra, du Grand-Hôtel, des secteurs électriques du Palais-Royal et de Montmartre, par d’autres encore, le cours d’eau menace de tarir. Son niveau, depuis dix ans, a baissé de 8 mètres. Sa présence a, dit-on, gêné nos pères pour bâtir ; son absence ne serait pas moins gênante pour nos neveux.

La question de l’eau ou, pour mieux dire, la question du feu, les précautions contre l’incendie, sont de tout premier ordre pour