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d’emprunts déguisés, à des conditions qui semblent maintenant usuraires.

Les agences établies à l’étranger par les diverses sociétés ne sont pas seulement une opération économique, elles ont le caractère et les résultats d’une entreprise presque nationale. Le champ étant plus vaste, la concurrence qu’elles s’y font est moins grande. Au Comptoir d’Escompte appartiennent les relations avec les pays lointains et les colonies françaises ; au Crédit lyonnais l’Europe, l’Egypte et l’Algérie. Pendant vingt-cinq ans, la banque officielle d’Alger a maintenu pour l’escompte le taux de 6 pour 100 ; à l’arrivée du Crédit lyonnais l’intérêt est tombé brusquement à 4 pour 100. En Russie, le bilan réuni des trois succursales que ce dernier établissement possède à Pétersbourg, Moscou et Odessa, s’élève à 62 millions de francs. Les capitaux sont en majorité français, puisque la maison centrale est créancière de ses agences russes d’une somme de 40 millions.

Toutes les agences nouvelles travaillent ainsi, pendant la première période de leur développement, avec l’argent de la métropole ; peu à peu elles se suffisent et se contentent de son appui moral. C’est le cas par exemple de l’agence de Madrid, devenue aujourd’hui la plus forte banque privée de la Péninsule, qui donne chaque année aux actionnaires du Lyonnais 3 à 400 000 francs de bénéfices nets. Depuis sa fondation, il y a dix-huit ans, jusqu’à la mise en vigueur des nouveaux tarifs de douanes, cette agence avait contribué à accroître le mouvement commercial hispano-français. Elle a développé aussi le crédit en Espagne, où il n’existe pas de marché libre de l’escompte, et où les banquiers auraient cru naguère s’amoindrir dans l’opinion en pratiquant le réescompte de leurs effets à la Banque d’Etat ; comme s’il n’était pas aussi normal, pour une banque, d’emprunter et de prêter, que de respirer et d’aspirer pour le corps humain. Soutenue d’abord par les fonds parisiens, elle vole à présent de ses propres ailes ; appuyée d’une part sur la Banque d’Espagne, qu’unit à elle le souvenir de services rendus par l’établissement du boulevard des Italiens, d’autre part sur des dépôts locaux d’environ 7 millions de pesetas. Elle est si sagement conduite que, sur un mouvement annuel de caisse d’environ 800 millions, ses pertes, par suite d’effets impayés, ne dépassent pas une douzaine de mille francs.

Dans les pays d’outre-mer, l’action de l’établissement de crédit est d’une portée plus haute encore. Il est, dans l’ordre matériel, le propagateur de l’influence française, que le missionnaire développe dans l’ordre moral. Sur ces confins de la civilisation, en ces terres toutes neuves où nous avons tant d’intérêts à protéger,