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des Sassanides persans, des Fatimites arabes, et des souverains chrétiens ou musulmans de l’Asie occidentale, ils ont fini par imprégner complètement tout le pays entre les monts Célestes et la mer Caspienne, et par déborder vers l’Ouest jusqu’en Europe.

Ces Turcs, ces Mongols, tous ces Barbares sortis du Nord de la Chine, ne sont pas identiques aux Chinois. On admet, à tort peut-être, qu’ils appartiennent comme eux à la race jaune, mais qu’ils forment un second grand rameau de cette race, auquel on a donné le nom de rameau altaïque, ou turco-mongol. A cette même famille l’on rattache les Finnois qui, à une époque très ancienne, ont peuplé les régions boréales de l’Asie et de l’Europe.

Ce pays du Turkestan est donc une région ethnographique ; ce n’est pas une région géographique. Les limites n’en sont pas formées par des frontière s physiques : les grandes barrières montagneuses qui, nous l’avons dit ailleurs[1], divisent l’Asie en trois compartimens naturels, presque sans communication entre eux, domaines de trois civilisations, de trois dynasties de civilisations, pourrait-on dire, l’une indoue, l’autre chinoise, la troisième iranienne, ne la limitent pas. La race turque est, au contraire, à cheval sur la principale d’entre ces chaînes de montagnes, le Tian-Chan, l’ancien Imaüs, et le nœud central de toutes ces chaînes, le Pamir, est à l’intérieur de son domaine. De même que le monde romain s’est développé autour du bassin méditerranéen, de même le monde turco-mongol semble s’être développé autour de la grande saillie montagneuse qui forme le centre de l’Asie, et qui, s’il faut ajouter foi à certaines traditions, a été autrefois le berceau de l’humanité tout entière.

Le Turkestan se trouve divisé, par la haute barrière des monts Célestes, en deux parties naturelles : le Turkestan chinois, Petite-Boukharie ou Turkestan oriental, d’un côté, et, de l’autre, le Turkestan aujourd’hui russe, le pays que l’on appelait autrefois la Tartarie indépendante ou Grande-Boukharie.

A en juger par l’immense quantité d’hommes qui en sont sortis à diverses époques, à en juger aussi par son étendue superficielle et par la fertilité de son sol, le Turkestan a dû être autrefois une région très peuplée. Aujourd’hui, il est, sinon désert, du moins habité par une population très peu dense. Il faut attribuer ce fait aux grandes migrations qui, à partir du commencement de l’ère chrétienne, ont poussé, par armées successives, ses habitans à marcher vers l’Ouest, mouvement qui paraît avoir refoulé dans le même sens, comme on le sait, les Barbares slaves et germains

  1. Voir la Revue du 1er décembre 1893. — La Question du Pamir.