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auxquels est due la chute de l’empire romain. Ce mouvement d’émigration a été provoqué, évidemment, les preuves géologiques sont là pour le montrer, par l’assèchement graduel de toute cette vaste région, transformation qui l’a rendue inhabitable, de riche et fertile qu’elle a été. En effet, la formation géologique appelée lœss, qui constitue le sol de toutes les plaines du Turkestan comme celui de la majeure partie de la Chine, est d’une fertilité inouïe, mais à la condition d’être arrosée. Or le débit des sources et des rivières, conséquence directe du régime des pluies, ne permet plus aujourd’hui que l’irrigation d’une partie très restreinte de la plaine. Les habitans, après s’être défendus de leur mieux par des travaux hydrauliques dont les traces colossales subsistent encore, et que nous avons eu l’occasion d’étudier, ont dû se décider à changer de pays, dans les premiers siècles de notre ère.

Si le Turkestan a fourni à l’Europe et à la partie occidentale de l’Asie de nombreux envahisseurs, s’il a été le point de départ d’émigrans nombreux, il a aussi reçu lui-même de multiples migrations venues du Nord et de l’Est, sans parler des invasions militaires persanes, arabes, et autres, venues du Sud-Ouest.

Les envahisseurs successifs, qui sont venus du Nord et de l’ouest de la Chine, depuis le commencement de notre ère jusqu’à la fin du moyen âge, appartenaient tous à la grande famille turco-mongole ou altaïque, mais ils étaient les représentans de branches diverses et très nombreuses de cette famille. Aujourd’hui, après toutes ces conquêtes et ces invasions répétées, le Turkestan est occupé par le résidu de toutes ces races. La classification en est fort obscure, et les ethnographes y ont beau jeu. Ils ont écrit des volumes énormes pour élucider des points difficiles, mais qui ne sont en somme que des détails dans une question dont les grandes lignes sont encore incertaines.

Sans entamer cette discussion ethnographique si complexe, qui serait ici trop technique, nous dirons simplement, pour donner une idée sommaire de l’aspect actuel des populations de l’Asie centrale, qu’elles se divisent en deux groupes nettement reconnaissables par leurs aptitudes, leur genre de vie, et même par leur costume : les nomades et les sédentaires. Les sédentaires, qui forment la population des villes et qui, autour de chacune d’elles, ont créé, sur de grands espaces, des cultures fort perfectionnées, sont confondus dans tout le Turkestan sous le nom général de Sartes, quelle que soit d’ailleurs leur filiation. Cette dénomination uniforme désigne une population qui évidemment n’est pas homogène : elle est formée du mélange intime de deux types bien distincts, l’un iranien et l’autre touranien. Le premier type est celui d’une race