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gouverneur général pendant vingt ans, jusqu’à sa mort, et auquel est due la principale œuvre, de conquête d’abord, puis de colonisation, du Turkestan.

L’un des premiers actes de la politique extérieure de celui-ci fut la conquête de la province de Samarkande en 1869. A la suite d’une déclaration de guerre faite aux Russes par l’émir de Boukhara, ou plutôt en son nom, mais que celui-ci désavoua par la suite, le général Kauffmann partit de Tachkent à la tête de 8 000 hommes, et, après avoir battu sans peine les Boukhares sur les bords du Zérafchane, il s’empara de Samarkande, qui capitula après un siège de trois jours, le 14 mai 1868.

Le corps du général Golovatcheff, composé de 5 000 hommes, dont huit sotnias de Cosaques avec huit canons, descendit la vallée du Zérafchane, et occupa presque sans résistance Katti-Kourgane, le 14 mai 1868. Kauffmann, laissant alors dans la citadelle de Samarkande ses blessés et ses malades sous le commandement du major von Stempel, se mit en personne à la poursuite de l’armée boukhare, qu’il atteignit et battit près de Saripoul. Ce lieu est le même où, 379 ans auparavant, s’était livrée la bataille qui renversa la dynastie des Achtarkhanides pour donner le trône de la Grande-Boukharie à la dynastie des Mangides, qui règnent encore aujourd’hui à Boukhara. Pendant la marche que Kauffmann exécutait vers le nord-ouest, les habitans de Samarkande, aidés par 10 000 Kirghiz descendus des montagnes voisines, se soulevèrent et assiégèrent la citadelle, où la petite garnison fit une défense désespérée. Kauffmann, revenant à marches forcées, dégagea la citadelle au bout de six journées d’un assaut incessant, et, pour punir les habitans de Samarkande d’avoir manqué aux termes de la capitulation, il permit à ses troupes de piller la ville pendant trois jours. A la suite de ces événemens, l’émir de Boukhara conclut avec les Russes une paix qui n’a plus été troublée jusqu’à présent. Ce traité, après le paiement d’une indemnité de guerre de 125 000 tillas, soit environ 1800 000 francs, laissa nominalement à l’émir une indépendance absolue avec le titre d’allié de la Russie. Près de lui se trouve seulement un envoyé extraordinaire du gouvernement russe, qui a, entre autres missions, celle de lui donner des conseils. Ces conseils n’ont rien d’obligatoire ; mais leur résultat n’en a pas moins été, jusqu’à présent, de placer les Russes, dans le khanat de Boukhara, dans une situation infiniment meilleure et plus privilégiée que celle que possèdent les Français on Tunisie. Cet agent diplomatique russe est d’ailleurs placé sous le contrôle du gouverneur général du Turkestan.

Par le même traité, les Russes enlevèrent à l’émir de Boukhara