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façon nominale l’autorité de la Chine, et où le commandement était divisé entre un assez grand nombre de chefs locaux, passa sans résistance sous la domination russe. Les Cosaques, envoyés en fourrageurs pour ravitailler les postes de la province de Viernoïé, constituèrent d’abord de simples groupes d’acheteurs, puis des petits postes chargés de surveiller des entrepôts d’approvisionnemens, et enfin de véritables garnisons. Après plusieurs années de cet état de choses, tout le pays au nord des monts Célestes, que les Chinois appellent Tian-Chan-pé-lou, étant passé entièrement sous la domination russe, des considérations administratives dues, dit-on, à des jalousies personnelles, décidèrent le gouvernement russe à rétrocéder gracieusement à la Chine cette province de Kouldja, dont il reconnut trop tard l’importance. Les tentatives qui, prétend-on, furent faites par plusieurs moyens détournés, pour éluder la remise des territoires en litige, à l’expiration de la période de séquestre, échouèrent en présence de la ténacité de la Chine, qui attachait une grande importance au rétablissement de son autorité sur le Turkestan chinois, et qui l’avait consolidée par la conquête récente de la Kachgarie. Ainsi ce pays si riche, qui fut pendant plusieurs années administré par les Russes, et dont la possession leur donnait, depuis le Pamir jusqu’en Mandchourie, une frontière montagneuse continue et presque infranchissable, fut évacué par eux et fit retour à l’empire chinois. La frontière actuelle, qui coupe transversalement le bassin de l’Ili, est indiquée par une simple ligne de poteaux traversant une plaine ouverte.

Il n’y a donc pas lieu de parler de la conquête du pays de Kouldja, en mentionnant les progrès de l’expansion russe en Asie, jusqu’au moment, dont l’échéance est indéterminée, mais inévitable, où la civilisation européenne aura reconquis de nouveau l’ancienne province du Tian-Chan-pé-lou.

Telle est, à grands traits, l’histoire de la conquête du Turkestan par les Russes. Nous allons indiquer, d’une manière également sommaire, comment ils ont colonisé et mis en valeur la vaste région ainsi soumise à leur autorité.


III.
L’ADMINISTRATION. — COMPARAISON AVEC CELLE DE L’ALGÉRIE

Pour entrer dans un parallèle, même sommaire, entre l’administration de l’Algérie et celle du Turkestan, il nous semble indispensable de donner d’abord brièvement quelques indications sur les grandes divisions du pays et sur les principales lignes de