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son organisation politique. Celle-ci est ignorée de bien des gens dans l’Europe occidentale, d’autant plus que, la conquête de l’Asie centrale par les Russes ayant été progressive, l’organisation politique des pays annexés a subi forcément, depuis trente ans, des modifications réitérées.

La plus grande partie du Turkestan russe, ou Tartarie en deçà du mont Tian-Chan, forme aujourd’hui un gouvernement général, celui du Turkestan, dont le siège est à Tachkent, grande ville de 150 000 habitans, située sous la même latitude que Rome, dans la vallée du Tchirtchik, affluent du Syr-Daria.

Ce gouvernement général se divise en trois gouvernemens (oblast), celui du Syr-Daria, qui a pour capitale Tachkent, celui du Ferganah, dont la capitale est Novi-Margelan, et celui du Zerafchane ou de Samarkande, qui a pour capitale cette dernière ville. Le gouvernement général du Turkestan comprend encore une autre province d’une organisation plus simple, province moins riche et moins peuplée que les précédentes, et qui forme aujourd’hui l’otdiel (territoire) de l’Amou-Daria. L’officier général qui l’administre et dont la résidence esta Pétro-Alexandrovsk, ville russe de création récente, sur la rive droite du Bas-Oxus, exerce en même temps un contrôle sur l’ancien khanat de Khiva, soumis depuis 1873 à une tutelle étroite.

A côté du gouvernement général du Turkestan se trouve un khanat encore nominalement indépendant, celui de Boukhara, dont le souverain ou émir, descendant direct, mais amoindri, de Tamerlan, n’est nominalement que l’allié et non le vassal de la Russie. Cet émir règne sur un territoire un peu moins grand que la France et peuplé de quatre millions d’habitans.

Le khanat de Boukhara est divisé en 26 provinces, administrées par 26 begs ou gouverneurs, assistés de 26 kazis ou magistrats d’ordre à la fois civil et militaire. Tous les samedis, à l’heure de la sortie de la mosquée, l’émir reçoit ou doit recevoir les cinquante-deux rapports des begs et des kazis, qui se contrôlent réciproquement. Le gouvernement russe n’intervient pas, du moins nominalement, dans cette administration intérieure.

Les revenus de l’Etat de Boukhara sont assez élevés, en dehors du trésor particulier que l’émir tient de l’héritage de ses ancêtres, et qui se compose du résidu des dépouilles que les souverains des divers empires d’Asie se sont successivement arrachées pendant des siècles, et dont les hasards de l’histoire ont fini par faire tomber entre ses mains une importante fraction. Les douanes seules, sur lesquelles la Russie a mis la main en 1893, donnent un revenu annuel de 12 à 1 300 000 roubles (3 à 4 millions de francs). Les impôts sur les cultures, sur les laines, sur les