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succès ; elle n’était qu’une faute. Si les Français s’étaient éclairés sur les mouvemens de l’ennemi comme il se renseignait sur les nôtres, Bazaine aurait su que la première armée s’offrait seule à ses coups, mais que les deux autres étaient proches. Et au lieu d’accepter du hasard une rencontre, il aurait décidé ce qui valait mieux, du combat ou de la retraite. Tenait-il surtout à gagner Paris sans être inquiété, il fallait ne pas accepter la lutte, et continuer la retraite que la Moselle et les canons de la place suffisaient à couvrir. Croyait-il le combat inévitable ou avantageux, il fallait le livrer non pas avec une partie de ses corps, mais avec tous et mettre à profit, pour écraser l’adversaire, la supériorité du nombre, que pour la première fois nous avions. Par son combat défensif, Bazaine fit peu de mal à l’ennemi, il s’en fit beaucoup à lui-même, puisque Steinmetz, en nous attaquant en queue, nous a fait perdre un jour à combattre, un jour à reprendre notre ordre de marche, c’est-à-dire a enlevé à l’armée française toute son avance. Le 14 au soir la seconde armée allemande atteint la Moselle en amont de Metz, le 15 elle la franchit. Et le 16 au matin, après le départ de l’empereur qui se croit suivi, quand nos corps s’engagent sur la route de Verdun, l’ennemi n’est plus seulement derrière eux, mais devant eux ; il barre la route de Verdun. Le choc entre nos troupes qui veulent passer et la deuxième armée qui veut les rejeter sur Metz est la bataille de Rezonville. Elle est un succès encore si la victoire consiste à garder le terrain sur lequel on a combattu ; mais ici vaincre c’est s’éloigner. Un succès qui nous attache au sol est stérile ; or la route de Verdun nous reste fermée.

Il y a bien, plus au nord, la route de Briey que l’ennemi n’occupe pas encore, et notre armée, en prenant dès le 17 cette voie, aurait chance de s’échapper. Elle sent que l’heure est décisive. Réconfortée par les preuves de vigueur qu’elle vient de fournir, elle attend l’ordre de marcher en avant ; elle reçoit l’ordre de céder même le terrain qu’elle a gagné, et de prendre à l’ouest de Metz des positions « défensives ». Le motif est que, partie la veille de Metz, elle a besoin de se ravitailler en vivres et en munitions. Bazaine établit son armée le dos à la ville, la ligne de bataille tracée du sud au nord, par le 2e corps qui appuie sa gauche à la Moselle, prolongée par le 3e et le 4e, et terminée par le 6e à Saint-Privat : derrière le centre de cette ligne, la garde se masse en réserve. Cette journée du 17, au lieu d’assurer notre retraite, donne à la première armée allemande le temps de passer à son tour la Moselle, et de remplacer sur ses positions la seconde armée qui remonte vers le nord, le long de notre armée immobile. Le 18,