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au sens vrai du terme, une appréciation de l’or, mais une réduction de valeur de la plupart des denrées de consommation universelle pour des causes multiples dont nous avons énuméré les principales. Si l’argent, devenu simple marchandise en certains pays, conservé comme monnaie en d’autres, a si constamment baissé qu’aujourd’hui sa valeur intrinsèque est de plus de 50 pour 100 inférieure à sa valeur monétaire, c’est que sa production a toujours dépassé en importance l’ensemble de ses emplois, malgré la frappe européenne et américaine et l’absorption par les pays de l’Asie orientale. Malgré le prix actuel si bas, 27 à 28 pence l’once, alors que 60 serait le prix correspondant à la relation bimétalliste de 16 à 1, la production ne s’arrête pas. En 1893, elle a atteint 5 millions de kilogrammes, représentant une valeur monétaire de 1 114 millions et une valeur marchande d’environ 500 millions.

Pendant longtemps encore la production de l’argent variera entre 4 et 5 millions de kilogrammes ; le Mexique et l’Amérique du Sud compenseraient ce qui pourrait manquer du côté des États-Unis et de l’Australie. Quant à la production annuelle de l’or, on ne peut plus compter qu’elle restera seulement stationnaire : de 800 millions elle atteindra bientôt le milliard, et peut-être le dépassera. La question de la durée de la fécondité aurifère du globe a été longuement agitée dans l’enquête monétaire allemande de l’été dernier. Les experts les plus compétens annonçaient depuis quelques années le rapide épuisement des mines ; il leur a fallu confesser leur erreur devant le fait brutal d’un rendement toujours plus abondant[1]. La production merveilleuse du Transvaal n’est pas à son apogée, l’Australie n’a pas dit son dernier mot. Les sciences physiques et chimiques ont perfectionné les moyens d’extraction; on exploite aujourd’hui avec profit des gisemens que l’on n’eût pas jadis osé attaquer. De 1876 à 1893, il a été produit 10 milliards d’or dont 805 millions dans la dernière année : les chiffres des plus beaux temps de la production californienne et australienne sont étrangement dépassés.


VII

Si l’explication bimétalliste de la baisse des prix est notoirement insuffisante, il convient d’attribuer plus de valeur à celle que tirent certains économistes, de la même école d’ailleurs, de l’abaissement du change en un grand nombre de pays, presque

  1. Voir les articles de M. Paul Leroy-Beaulieu des 29 décembre 1894, (et 12 janvier 1895 dans l’Économiste français, et l’exposé fait par M. Jacques Siegfried, sur la question de l’or, à la réunion de la Société d’économie politique du 5 janvier 1895.