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On lui doit encore que nombre de ceux-ci ont déjà transporté à l’étranger leurs établissemens ou songent à le faire, et que des usiniers étrangers sont venus établir chez nous des succursales de leurs fabriques.

Ces résultats n’émeuvent pas autrement les auteurs du tarif de 1892. Ils citent pour exemple le blé. « L’importation du froment, disent-ils, continue à être réglée par l’importance de nos récoltes et par les besoins de la consommation. Nous n’avons pas voulu, par l’augmentation du droit, entraver l’entrée des blés étrangers, mais seulement agir sur les cours du marché intérieur et empêcher le blé français de se vendre aux prix avilis de l’étranger. » L’argument s’applique à toutes les marchandises d’importation. Les droits dont elles sont frappées n’en arrêtent pas l’entrée, mais comme elles ne sont vendues chez nous qu’avec une majoration de prix, nous subissons la même majoration sur les marchandises similaires françaises. L’intérêt du producteur agricole ou industriel en cette affaire est évident, mais non celui du consommateur. Observation naïve, répond-on, argument démodé : tout le monde en France aujourd’hui n’est-il pas producteur avant d’être consommateur? Vous bénéficiez d’abord de la protection, et ce n’est qu’ultérieurement que vous en payez le prix. De savoir si la balance s’équilibre, est un point dont les protectionnistes ne s’embarrassent pas.


IX

Ce qui est indéniable, c’est que du 1er janvier au 30 septembre de l’année 1894, nos fabriques, usines et ateliers avaient livré à l’étranger pour 116 millions de moins de leurs produits, que dans la même période de 1893, année où s’accusait déjà une diminution de près de 50 millions sur l’année précédente. Les trois derniers mois de 1894 ont vu enfin se produire une interruption dans cette longue série de diminutions. Ils accusent une assez notable augmentation, sur les mois correspondans de 1893. On voudrait espérer qu’il ne s’agit pas ici d’une reprise d’affaires accidentelle, que le mois de septembre 1894 aura marqué le point le plus bas dans le graphique de notre commerce d’exportation. Aucun symptôme caractéristique ne permet d’incliner encore à une conclusion de ce genre. Le réveil d’activité commerciale aux Etats-Unis est un facteur d’une réelle importance, mais sur la continuité duquel il serait imprudent de trop compter. Notons cependant que le dernier trimestre de 1894 a été marqué en Angleterre comme en France par une recrudescence des exportations, et que nos voisins n’ont pas hésité à attribuer tout l’honneur du fait à la mise en vigueur du nouveau tarif américain.