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Nous avons donc vendu un peu plus de nos produits aux États-Unis et par contre-coup à l’Angleterre. Il reste l’obstacle tiré de la nature même des articles qui constituent la grande majorité de nos exportations, articles de luxe en général ou objets de consommation ne s’adressant qu’à une clientèle aisée. Nous avons montré plus haut comment, depuis 1890, une crise universelle a réduit dans une large proportion les facultés d’achat de cette clientèle extérieure, à laquelle nos concurrens de Belgique, d’Allemagne et d’Angleterre offrent des produits de qualité inférieure, mais aussi de moindres prix.

Il est toutefois des pays qui, pour d’autres raisons, nous achètent moins depuis deux ans qu’ils ne faisaient jadis. La diminution des achats de produits français par l’Espagne, l’Italie et la Suisse, est un effet direct de l’élévation de nos tarifs, compliqué, en ce qui concerne les deux premières nations, de l’action du change. La dépréciation de la monnaie nationale, chez l’une et l’autre, agit comme une atténuation de nos droits d’entrée pour les produits qu’elles ont à nous vendre, et comme une aggravation pour ceux qu’elles pourraient avoir à nous demander. Mais la Suisse est un pays à étalon d’or. Dans nos relations d’affaires avec elle, l’influence de la question du change est nulle; il n’y a plus à considérer que le ressentiment déterminé chez un peuple voisin, longtemps l’un de nos meilleurs cliens, par le refus qu’ont (ait nos Chambres de sanctionner la convention commerciale conclue à la fin de 1892 entre les deux gouvernemens.-

Il ne manque pas de commerçans, de producteurs, d’économistes, qui estiment que nos législateurs ont commis en cette circonstance une lourde faute. Ce qu’il y a de mieux à faire, après avoir reconnu une erreur, est de chercher à la réparer. Aussi la question du rétablissement des anciennes relations commerciales entre la France et la Suisse a-t-elle été agitée devant l’opinion publique durant ces mois de vacances où tant de discours ont été prononcés en tous les points de la France sur les questions économiques. Il saute aux yeux que, dans la guerre de tarifs où nous sommes engagés avec les Suisses, nous jouons le rôle du mauvais marchand. Leurs exportations chez nous ont faiblement diminué, Nos ventes chez eux ont été réduites, d’une année à l’autre, de dus d’une cinquantaine de millions. Les régions de l’Est sont mécontentes de ce résultat de la lutte. Le Maçonnais surtout a subi un préjudice considérable, ses vins ne pénètrent pour ainsi lire plus sur le territoire de la Confédération helvétique.

Les libre-échangistes ont profité de cet état d’esprit pour accentuer leur agitation contre la politique douanière. Une association a été fondée spécialement pour étudier et mettre en œuvre