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l’infatigable propagateur de l’Alliance Française en Hollande, et peut-être, parmi tous les critiques étrangers, celui qui connaît le plus à fond la langue et la littérature françaises. Ses récentes études à propos des Fêtes universitaires de Lyon, sur nos fabliaux du moyen âge ou sur M. Paul Bourget, auraient au moins autant d’intérêt pour nous que pour le public hollandais à qui elles s’adressent. Ce sont des modèles de clarté et de précision ;mais le plus singulier est qu’on les dirait écrites à un point de vue tout français, tandis qu’il n’y a pas un critique anglais ou allemand qui, dans l’étude de nos mœurs ou de notre littérature, ne témoigne d’une certaine incapacité à voir son sujet sous le même aspect où nous le voyons.

Ainsi nous n’avons pas à craindre que M. Byvanck fausse par trop sur notre compte le jugement de ses compatriotes. Et ceci me met plus à l’aise pour rendre justice à M. Byvanck, qui, lui aussi, paraît connaître assez bien la langue française. Il paraît d’ailleurs tout connaître, et la variété des sujets qu’il traite est vraiment extraordinaire. Tour à tour, à deux mois d’intervalle, il publie dans le Gids de longues études sur Villon, sur le poète allemand Christian Wagner, sur la question de Lombok, sur saint Thomas d’Aquin et la philosophie de l’Histoire, sur les drames symbolistes de M. Claudel, sur Leconte de Lisle et Walter Pater, sans compter une revue mensuelle de la politique étrangère. Je ne crois pas que l’on puisse trouver beaucoup d’exemples d’une pareille variété d’information : et M. Byvanck semble chaque fois se consacrer tout entier au sujet qu’il traite, soit qu’il parle de philologie, ou de botanique, ou d’économie politique et de législation internationale. Mais avec tout cela on s’aperçoit bientôt qu’il est surtout un fantaisiste, que le désir d’étonner ses compatriotes se joint chez lui au désir de les instruire, et que, pour nombreux que soient les objets de sa curiosité, il n’y en a pas un qu’il épuise à fond. Écrits dans un style compliqué et souvent obscur, ses articles abondent en paradoxes ingénieux et en vues subtiles; mais tous donnent un peu la même impression que donnait son livre sur la littérature française : on devine qu’en plus des choses qu’il a notées, bien des choses restent encore qui lui ont échappé.


C’est aussi dans le Gids qu’ont paru les principaux travaux de M. Robert Fruin, le grand historien hollandais. Né à Rotterdam en 1823, professeur à l’Université de Leyde depuis près de quarante ans, M. Fruin ne s’est guère occupé, durant sa longue carrière, que de l’histoire de son pays : mais à l’étude de cette histoire il s’est voué avec un zèle, une conscience, une activité admirables. Ses compatriotes, qui le vénèrent en