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Est-ce un sentiment réaliste qui a dicté le choix et l’application des couleurs? En aucune manière. Rester dans la pure convention, rehausser par le charme de la couleur le travail du sculpteur, faire œuvre d’artiste, sans chercher à tromper l’œil par une imitation voulue de la réalité, telle a été toute l’ambition du peintre. Aussi quelles précautions pour empêcher qu’un accident vulgaire vienne ternir la fraîcheur de cette délicate enluminure ! Voyez cette tige de métal scellée au sommet de la tête : c’est le support du ménisque, une sorte de demi-lune en bois ou en métal qui protège la statue contre les offenses des oiseaux, et la met à l’abri des souillures toujours à redouter de ces hôtes indiscrets de l’Acropole.

La peinture est-elle la dernière toilette de la statue? On l’a remarqué justement : entre les parties coloriées et le ton du marbre, le contraste serait choquant pour l’œil, si une sorte de patinage ne rétablissait l’harmonie en amortissant cette blancheur un peu crue. Les marbres archaïques n’ont gardé aucune trace d’une pareille opération; le fait s’explique facilement. Mais pour une date plus récente, nous en connaissons des exemples, et les textes y font plus d’une fois allusion. Rien n’empêche de croire que les maîtres du VIe siècle avaient déjà compris la nécessité d’un procédé qui joue, nous le verrons plus loin, un rôle considérable à l’époque classique.


III

Les adversaires de la polychromie peuvent considérer comme un symptôme d’une décroissance prochaine la limitation de la peinture à certaines parties dans les statues archaïques. N’est-ce pas là comme la survivance d’une tradition ancienne, condamnée à disparaître? N’y a-t-il pas là un mouvement de recul, analogue à celui qui se produit dans la sculpture italienne vers le début du XVIe siècle? Et quand les maîtres de la statuaire en marbre, avec Phidias et ses successeurs, chercheront dans le modelé les plus fines nuances, donneront à la draperie une élégance et une noblesse suprêmes, ne vont-ils pas répudier des procédés surannés, employés par les imagiers primitifs pour faire oublier les défaillances de leur ciseau?

Nous touchons ici à la question la plus controversée. Pour les brillantes périodes du Ve et du IVe siècle, les faits sont plus disséminés ; les témoignages ne se succèdent pas avec une rigueur absolue, comme dans cet ensemble unique des sculptures de l’Acropole. Pourtant, si l’on groupe tous les renseignemens épars çà et