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ÉDUCATION ET INSTRUCTION


I

Éducation et Instruction, ces deux termes, — que l’on oppose et que, malheureusement, on a raison d’opposer aujourd’hui l’un à l’autre, — ont longtemps été presque synonymes, et, si l’ancienne langue ne les confondait pas, nous trouvons que nos vieux Dictionnaires les définissaient volontiers l’un par l’autre. A la vérité, l’éducation s’entendait plutôt du gouvernement ou de la direction des mœurs, et l’instruction, de la culture ou du développement de l’esprit; mais les deux mots s’équivalaient à peu près dans l’usage; et le classique Traité des Etudes, que Rollin avait d’abord intitulé : De la manière d’enseigner et d’étudier les belles-lettres par rapport à l’esprit et au cœur, en servirait au besoin de preuve. Nos pères, qui nous valaient bien, n’auraient pas compris que l’on prétendît élever un enfant sans l’instruire, c’est-à-dire, et de mot à mot, sans le fournir, sans le munir, sans l’armer, — instruere, — des connaissances indispensables pour se conduire dans la vie, mais ils n’auraient pas davantage admis que l’on se proposât de l’instruire sans l’élever, c’est-à-dire qu’on lui mît une arme dans la main sans l’avertir à quelle occasion, dans quels cas, et surtout avec quelles précautions il en pourrait user. C’est ainsi qu’autrefois, l’Éducation et l’Instruction, si elles se distinguaient l’une de l’autre, ne se séparaient pourtant pas; se soutenaient ou s’entr’aidaient ; et, finalement, se rejoignaient dans l’unité d’un même résultat.

Comment donc et depuis quand la séparation s’est-elle opérée? Nous pouvons exactement le dire. C’est depuis que l’Etat, voilà tantôt cent ans, a cru devoir prendre à sa charge le fardeau de l’instruction publique. C’est depuis qu’ayant proclamé