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essayer de refaire l’éducation de la femme. Nous ne sommes pas ici les ennemis des lycées de jeunes filles, ni, généralement, de tout ce que l’on a fait, depuis une vingtaine d’années, pour améliorer la condition de la femme, en lui donnant les moyens de se suffire à elle-même. Aussi bien nous souvenons-nous d’avoir jadis défendu les « précieuses » contre les plaisanteries des moliéristes endurcis, et nous convenons volontiers que, si les « pédantes » sont insupportables, les sottes n’en sont pas pour cela d’un plus agréable commerce. Mais, puisque les femmes doivent être un jour des mères, et que, comme on l’a dit fortement, « la nature ne fait jamais une mère qu’elle ne fasse en même temps une nourrice, » nous devons, nous, toujours nous souvenir que le mot de « nourriture » a longtemps été synonyme d’éducation, — et je crains que nos programmes ne l’aient quelquefois oublié. Je voudrais me tromper, et que l’on me montrât clairement mon erreur ! Mais les programmes de nos lycées de jeunes filles diffèrent-ils assez des programmes de nos lycées de garçons? On y enseigne presque les mêmes matières, et sans doute avec les mêmes méthodes. Garçons et filles, ce sont de même, ou à peu près, les mêmes examens qu’ils passent, et devant les mêmes juges. Si cependant il n’est rien dont on fasse plus de plaintes que de l’ennuyeuse uniformité qui gouverne notre système entier d’instruction publique, ne pourrait-on pas commencer par diversifier un peu ce que les programmes des lycées de jeunes filles ont de trop semblable encore à ceux des lycées de garçons? et que risquerait-on d’en tenter l’entreprise? Je ne doute pas qu’elle n’eût d’heureux résultats, si le principe en était qu’à titre de mères les femmes sont avant tout les éducatrices de la génération future. C’est aussi bien le principe de toutes les faveurs dont nous voyons que les lois ont comme entouré le mariage ; et ainsi les vrais intérêts, les intérêts essentiels de la femme comme femme, se trouveraient concorder avec ceux de la société. Quand on voudra vraiment « réformer » nos lycées de garçons, il faudra commencer par « réformer » nos lycées de jeunes filles.

C’est alors seulement qu’on examinera s’il y a lieu de supprimer les internats; et, pour quelques inconvénient qu’ils présentent ou quelques dangers même, peut-être alors s’apercevra-t-on qu’ils ne laissent pas d’avoir quelques avantages. Je n’en retiendrai qu’un. Dans une société comme la nôtre, où tant de souvenirs du passé se mêlent, pour les contrarier, aux exigences de la démocratie future, les internats sont peut-être la meilleure école d’égalité qu’il y ait. C’est ce qui justifie la Révolution et l’Empire de les avoir organisés. Ce que les grandes guerres du commencement de