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Alpes des représentans chargés de féliciter, suivant les conjonctures, soit Bonaparte, soit l’archiduc. Bonaparte écrit, le 5 avril, au Directoire : « Le gouvernement de Venise est assez généralement haï dans tout le continent ; il serait possible que la crise actuelle produisît son entière destruction. » Et constatant, que les agens du gouvernement de Venise prêchent la guerre aux Français, il écrit à Pesaro : « La nécessité de veiller à la sécurité de l’armée me fait un devoir de prévenir des entreprises que l’on pourrait faire contre elle. » Deux jours après, le 7, il reçut l’annonce de l’arrivée, de plénipotentiaires autrichiens. Ces diplomates pouvaient venir, le terrain était disposé. Ce même jour, l’avant-garde française s’arrêtait à Léoben, à vingt lieues de Vienne. Bonaparte semblait dominer les affaires : il séparait les deux armées autrichiennes qui ne pouvaient plus opérer leur jonction que devant la capitale, et les Autrichiens avaient appris qu’il était dangereux de placer Bonaparte entre deux feux ; c’était s’exposer à se faire battre deux fois par lui.

Encore une défaite, et Vienne tombait aux mains des Français. Quand on apprit l’approche de Bonaparte, il y eut une panique. On fit circuler « par ordre de la cour, d’énormes pancartes, chez tous les grands ministres, les grandes maîtresses, dans toutes les antichambres de la famille impériale, portant ordre d’emballer au plus vite et de se tenir prêt à partir. » Thugut, qui seul conservait du courage, essaya de ranimer les esprits en montrant les immenses ressources que l’on pourrait tirer des paysans, de leur attachement à la dynastie et à la religion. La peur l’emporta, et le parti de la paix reprit le dessus. Thugut, tout en la réprouvant, s’était préparé à la négociation, et, dès lors qu’elle était commandée, il s’attacha à la rendre aussi avantageuse que possible. Il jugeait l’armée française du Rhin condamnée à l’immobilité pour quelques semaines au moins ; il estimait la position de Bonaparte au moins aussi précaire qu’elle était menaçante. L’Autriche devait en profiter, signer une trêve au lieu de risquer une rencontre qui pouvait être désastreuse, s’arrêter, reprendre haleine, reconstituer ses forces, gagner du temps et, dans la suite, rompre la trêve ou en étendre les avantages au cours des négociations. Il voyait donc les choses comme Bonaparte les voyait, et les mêmes calculs les rapprochèrent.

Le 2 avril, un conseil eut lieu à la Burg, et l’on décida d’envoyer auprès de Bonaparte deux négociateurs, MM.  de Bellegarde et de Merveldt, tous les deux militaires. Aussi bien pour imposer dans les conférences, que pour se précautionner au cas où la lutte continuerait, l’empereur fit publiquement appel au