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nous nous instruirons de ce que vaut ce christianisme dont on célèbre le culte dans quelques chapelles récemment consacrées, et nous démêlerons de quels élémens est formé ce mysticisme qui est en Littérature la mode la plus nouvelle et le « dernier cri ».

Durtal est un homme de lettres qui a passé la quarantaine. L’un des traits qui le caractérise c’est l’horreur où il est de l’époque moderne. Notre genre de vie, nos idées, notre art ou ce qui nous en tient lieu, notre politique, tout lui est hostile. Écrivain formé d’abord par le naturalisme et accoutumé de bonne heure à n’apercevoir de la réalité que ses laideurs et ses turpitudes, il perçoit avec une acuité de sensation maladive le côté nauséabond de l’existence. Il se promène à travers les êtres et les choses les lèvres plissées et les narines froncées, comme un homme que poursuit une odeur malsaine. Il ne s’excepte pas de cet universel mépris, et sa misanthropie commence par lui-même. Il est celui que tout dégoûte. Impossible d’échapper à cette contagion de platitude qui a tout envahi et qui altère jusqu’aux cérémonies de l’Église. Durtal en quête d’une messe un peu propre et d’offices présentables est pareil à M. Folanlin, que nous voyons dans A vau l’eau à la recherche d’un bifteck mangeable et d’une gargote pas trop répugnante. En vérité l’heure a sonné pour le règne du « mufle » ! C’est pourquoi Durtal rêve de cette époque « douloureuse et exquise » que fut le moyen âge. Alors la vie valait d’être vécue, une vie heurtée, contrastée, folle et sublime. Alors la personnalité humaine pouvait se développer, et elle se manifestait dans tout son relief. Alors il y avait un art. « C’était en peinture et en sculpture les primitifs, les mystiques dans les poésies et dans les proses ; en musique c’était le plain-chant ; en architecture c’était le roman et le gothique. Et tout cela se tenait. » Durtal a un sens artistique des plus vifs. Les pages où il étudie la correspondance de tous les arts au moyen âge sont des plus remarquables. Mais cet art du moyen âge, c’est le christianisme qui l’a inspiré. Ne voilà-t-il pas une preuve concluante de la bienfaisance morale du catholicisme et de sa vérité théologique ? « Ah ! la vraie preuve du catholicisme c’était cet art qu’il avait fondé, cet art que nul n’a surpassé encore. » C’est l’argument de Chateaubriand : il restera toujours le plus convaincant pour les artistes et pour les lettrés.

Parmi les raisons qu’a eues Durtal pour redevenir catholique il en est une autre qu’il n’avoue pas et qui a donc des chances d’être la vraie. C’est un chapitre délicat, mais sur lequel l’auteur nous donne tant de détails, si abondans et si précis, que nous n’avons à l’aborder aucun scrupule. On a souvent parlé de l’élément de sensualité qui est contenu dans le catholicisme. Il se dégage d’abord des cérémonies du culte et de la pompe extérieure. Le demi-jour mystérieux des églises, l’intimité des chapelles, l’éclat terni des ornemens, la moiteur de