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dissimulée notre réponse à l’invitation allemande. Cette réponse ne pouvait pas être différente de ce qu’elle a été. Les quelques protestations qui se sont produites dans la presse n’ont pas eu d’écho. Celle de M. Pierre Richard, à la Chambre des députés, est tombée dans le silence et dans le vide. Encore une fois, nous sommes et nous désirons rester à l’état de paix avec l’Allemagne : dès lors, toute manifestation déplacée ne pourrait que compromettre notre dignité. On a dit des anciens émigrés qu’ils n’avaient rien appris et qu’ils avaient tout oublié : nous, au contraire, nous n’avons rien oublié, mais nous avons beaucoup appris. Nous avons appris, entre autres choses, qu’il convient de remplir d’autant plus exactement certains devoirs internationaux qu’ils ne tirent pas à conséquence : il n’en serait pas de même d’y manquer.


La Russie a accepté naturellement l’invitation qui lui a été faite, et rien n’était plus conforme à sa politique. Lorsqu’elle s’est rapprochée de nous, elle n’a voulu rompre avec personne. Le choix que le tsar vient de faire du prince Lobanof pour remplacer M. de Giers est une preuve nouvelle de sa persévérance dans les mêmes vues. Le prince Lobanof avait été longtemps ambassadeur à Vienne, et il venait d’être nommé ambassadeur à Berlin lorsque Nicolas II l’a appelé à Saint-Pétersbourg pour lui confier, sous sa haute autorité, la direction des affaires étrangères de l’Empire. Pendant sa longue mission à Vienne, le prince Lobanof n’a rien négligé pour aplanir les difficultés assez délicates qui se dressent parfois entre la Russie et l’Autriche-Hongrie, et il y a constamment réussi. C’est un diplomate de carrière : il appartient par son origine à la vieille école de diplomatie russe, mais il a été étroitement mêlé à tous les événemens contemporains. On le sait homme d’expérience, de jugement, de prudence, de fermeté quand il en faut : aussi sa nomination a-t-elle été universellement approuvée. Tout le monde y a vu une garantie de plus que l’empereur Nicolas donnait de ses intentions bienveillantes. En France, ce choix a été particulièrement apprécié. C’est peut-être le seul grand pays de l’Europe où les hasards de sa carrière n’ont pas conduit et fixé pendant quelques années le prince Lobanof, mais il y est venu à maintes reprises et nous a constamment témoigné de la sympathie. Il connaît notre histoire, il l’a beaucoup étudiée, et quelquefois, dit-on, plus qu’en simple amateur. Rien dans ses sentimens ne l’empêchera de voir les intérêts de son pays tels qu’ils sont, c’est-à-dire en harmonie avec les nôtres, et n’est-ce pas tout ce que nous pouvons demander à un ministre du czar ?


Notons, en finissant, les nouveaux et très importans succès que les Japonais viennent encore d’obtenir en extrême Orient. L’armée ou plutôt les deux armées qui opèrent en Mandchourie n’ont pas voulu rester