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à lui-même ; il n’a cessé de réclamer des États particuliers une aide de plus en plus importante : de là les contributions dites matriculaires, c’est-à-dire le versement par chaque État au budget de l’Empire d’une somme calculée autrefois d’après le nombre de soldats mis sur pied et qui, étant incorporés dans l’armée de l’Empire, sont entretenus par celui-ci. Des élémens compliqués servent aujourd’hui de base à la fixation de ce concours financier.

L’Empire, de son côté, n’a pas conservé la totalité de ses ressources propres. Lorsqu’on 1879 les droits de douane et certains impôts de consommation furent considérablement augmentés, son prélèvement fut limité à 130 millions de marks[1] et le surplus distribué entre les États particuliers, en vertu d’une clause dite Frankenstein, d’après le nom du député qui la proposa. D’autres impôts impériaux sont également répartis entre les confédérés, qui sont donc à la fois créanciers et débiteurs du budget impérial : il résulte de là une complication et une incertitude singulières dans leurs finances. Comment, en effet, établir des prévisions de dépenses et de recettes, puisque des éléments importans des unes et des autres, la contribution due à l’Empire et les viremens à en recevoir, résultent du budget de celui-ci et ne peuvent être dégagés qu’après qu’il est établi ?

Cette situation bizarre est bien le reflet du système politique de l’Allemagne, unifiée sous certains rapports, mais chez qui l’esprit particulariste n’a pas encore abdiqué. Le pouvoir central cherche chaque jour à grandir et à s’émanciper financièrement de l’appui des feudataires ; mais il n’a pu encore réaliser tous ses rêves, s’attribuer tous les impôts qu’il convoite ; il n’exploite même pas encore à sa guise toutes les services de revenus qui lui sont réservées : il a dû faire participer à plusieurs d’entre elles, et non des moindres, les trésors des États particuliers. La tendance évidente est d’étendre la sphère des impôts impériaux et de fournir au gouvernement central des moyens d’action indépendans. La matière imposable qui tente le plus son appétit fiscal est le tabac. Il n’est pas de session du Reichstag dans laquelle ce sujet ne soit repris : jaloux de l’énorme appoint que cette taxe apporte au budget français, certains orateurs ne perdent pas une occasion d’en célébrer les mérites ; nous verrons dans un instant que le gouvernement vient encore une fois de déposer un projet de réforme à cet égard.

Si la constitution de l’Empire était rigoureusement appliquée, ses budgets devraient toujours se solder en équilibre, sans déficit

  1. Le mark ou reichsmark vaut 1 fr. 25 environ. Toutes les sommes énoncées au cours du présent article seront exprimées, sauf indication contraire, en reichsmarks.