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et sans emprunt. L’article 70 ordonne que les dépenses seront couvertes au moyen des revenus nets des exploitations, des recettes communes, des impôts « impériaux » à établir, et, si le tout est insuffisant, par les contributions matriculaires des États. Celles-ci devraient donc en temps normal être chaque année portées à un chiffre tel que les besoins de l’Empire fussent couverts. Mais ce dernier a préféré recourir à l’article 73 de la constitution, qui prévoit l’emprunt pour faire face à des besoins imprévus. Dans la crainte de mécontenter les différens États en leur demandant des sommes trop considérables, le gouvernement central a singulièrement élargi le cadre des dépenses extraordinaires, et présente des budgets en déficit, pour se faire autoriser à émettre des rentes. Ce système des petits emprunts chroniques est combattu avec énergie par ceux qui voudraient voir le pays réserver son crédit intact pour les cas exceptionnels : ils ont trouvé pendant longtemps un argument additionnel dans la difficulté relative avec laquelle les émissions de rentes allemandes se classaient dans les portefeuilles. Aujourd’hui le courant de plus en plus fort qui porte les capitaux vers les placemens en fonds d’État permet à nos voisins d’emprunter à des conditions presque aussi favorables que nous : le 3 0/0 allemand est aux environs du pair.

Bien que le total de la dette allemande soit faible, si on le compare à la nôtre ou à la dette anglaise, il faut constater que la progression en a été très rapide, puisqu’elle a quintuplé en dix ans. Il n’est pas un budget depuis 1880 qui n’ait été équilibré à l’aide d’emprunts, dont l’importance a varié entre un minimum de 31 millions en 1885-86, et un maximum de 309 millions en 1891-92, avec une moyenne de 155 millions.

L’ordre naturel à suivre dans l’étude des finances d’un pays est d’examiner le budget, d’en analyser les divers élémens, d’énumérer les principales causes de dépenses et sources de recettes, ce qui permet de juger la mesure dans laquelle les forces économiques de la nation sont mises à contribution. Il est nécessaire en même temps de prendre en considération le patrimoine national, l’actif, ou du moins la portion de cet actif susceptible de donner des revenus, telle que les mines, usines, chemins de fer. Ce dernier point est de la plus haute importance en Allemagne, où beaucoup d’États possèdent un domaine industriel étendu. Si on le perd de vue, on ne peut comparer utilement entre eux les budgets de deux pays différens : les dépenses d’exploitation des chemins de fer prussiens, par exemple, sont la cause, la condition des recettes bien supérieures que le budget encaisse du chef des voyageurs et marchandises. Il serait absurde de dire que la Prusse