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des États particuliers et qu’on ne saurait y toucher sans porter atteinte à leurs recettes ou sans surcharger les contribuables d’une façon excessive : il est nécessaire en même temps de prévoir les objections de ceux qui reprochent à l’impôt indirect de frapper inégalement les citoyens et d’épargner le riche en accablant le pauvre ; enfin le Parlement perdait presque toute son action sur un budget alimenté exclusivement par cette source.

Ces finances, qui ne sont pas encore établies sur des bases définitives, ne sont que la conséquence de l’organisation politique allemande. Une fédération qui comprend vingt-six États d’une importance tout à fait disproportionnée les uns par rapport aux autres, ne sera sans doute pas éternelle. Sauf la Bavière, la Saxe, le Wurtemberg, le grand-duché de Bade ; sauf surtout l’Alsace-Lorraine dont les résistances à l’unification seront énergiques, on est presque tenté de sourire en lisant l’énumération des principautés qui figurent, à côté de la Prusse, avec des attributions égales à celles de cette puissante monarchie. Les privilèges financiers que chacun des membres de la confédération a conservés et les droits conférés à l’Empire portent les uns et les autres la marque des étapes successives de leur développement historique ; on y reconnaît la trace des concessions faites à l’esprit particulariste à côté de l’action grandissante du pouvoir central. A quoi bon ces rétrocessions faites par l’Empire aux États particuliers, puisqu’il leur demande à son tour des contributions matriculaires ? Ne serait-il pas beaucoup plus simple que l’Empire gardât pour lui des recettes égales à ses dépenses et n’exigeât point de contingens de confédérés ? S’il ne se sent pas encore en possession de ressources suffisantes pour renoncer à leur concours, rien ne s’oppose à ce qu’il conserve le droit, un exercice une fois clos, de réclamer d’eux un versement qui serait alors imputé sur leurs budgets de l’année suivante. Ce système aurait, entre autres avantages, celui de faire cesser l’incertitude qui pèse actuellement sur le budget de chaque État particulier : nul ne sait à l’avance combien il aura à payer à l’Empire, ni ce qu’il recevra de lui. Les fluctuations les plus diverses n’ont pas cessé de se produire à cet égard : en 1890-1891, par exemple, les viremens (Ueberweisimgen) au crédit des États particuliers ont été de 378 millions, alors qu’ils n’ont versé que 312 millions à l’Empire. Celui-ci, au contraire, leur a réclamé 397 millions en 1894-1895 et ne leur a remis que 355 millions.

La question de savoir quand ce système de comptabilité disparaîtra est plus politique que financière. L’un des futurs chanceliers de l’Empire, successeur à venir du prince de Bismarck, aura-t-il l’énergie nécessaire pour imposer ce changement ? C’est