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LA TACTIQUE MODERNE
DE L'INFANTERIE
A PROPOS DES DERNIERS REGLEMENS


I

On a longtemps pensé et dit que la Révolution française avait créé des armées. Au seul appel de la patrie en danger des légions s’étaient levées, invincibles dans l’élan de leur patriotisme. Ce n’était qu’une légende, et un jour l’histoire vint qui la démentit.

Il est une autre légende qui, née avec celle des volontaires, lui a survécu. Dans l’ordre plus restreint et tout spécial de la tactique, on a cru et l’on croit encore que la Révolution a inventé pour ses jeunes armées une tactique nouvelle ; on s’imagine qu’elle a trouvé, par une intuition de génie, des formations de combat inconnues jusqu’alors, et l’on répète que ce mode d’action, sans précédens dans l’histoire, a renversé du premier coup l’édifice vermoulu de la tactique lentement élaborée au travers des siècles. Cette légende est aussi vaine que l’autre : en tactique, la Révolution n’a rien inventé. Les idées qu’elle a appliquées étaient monnaie courante dans l’année avant elle, et les formes sous lesquelles elle a fait passer ces idées dans le domaine des faits étaient connues, discutées, commentées avant elle.

C’était une vieille querelle que celle de l’ordre mince et de l’ordre profond ou, pour mieux dire, de l’ordre linéaire et de l’ordre perpendiculaire. Il y avait plus de quarante ans qu’elle était née, plus de vingt qu’elle divisait et passionnait les esprits.