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du 6 mars 1806, article qui est ainsi conçu : « Il sera établi un pensionnat normal, destiné à recevoir jusqu’à trois cents jeunes gens qui y seront formés à l’art d’enseigner les lettres et les sciences. » Ce pensionnat n’a jamais reçu qu’un très petit nombre des élèves que lui promettait par centaines l’empereur Napoléon. Par l’étroitesse de son règlement et par la pauvreté de ses installations, il différait très fort de l’École d’aujourd’hui ; mais ce n’en serait pas moins avec lui, et avec lui seulement, que serait née notre Ecole, celle dont la mission est de préparer des maîtres pour l’enseignement secondaire et pour l’enseignement supérieur.

Ce qu’il y a de spécieux dans ces critiques, nous ne le méconnaissons pas ; nous avons assez étudié notre propre histoire pour ne rien ignorer de ce que l’on a cru nous apprendre. Si nous avons passé outre, ce n’est pas par l’effet d’une impatience qui aurait été un enfantillage, du désir qui nous aurait piqué de dérober à une autre génération l’honneur et le plaisir d’officier dans cette cérémonie. Nous avons eu des raisons plus sérieuses de nous reporter, comme à notre acte de naissance, au décret de 1794, que rappelle une inscription gravée sur la porte de notre maison. Quant à la célébration même de la fête, si nous l’avons renvoyée au printemps de 1895, c’est que nous souhaitions la voir éclairée par quelques rayons du gai soleil d’avril, par un de ces sourires du printemps qui adoucissent l’amertume des deuils même les plus sensibles et qui donnent confiance en l’avenir ; les feuilles et les fleurs qu’ils réveillent annoncent les moissons et les fruits de la saison prochaine.

Le parti que nous avons pris nous a paru se justifier par des motifs que sauront apprécier ceux qui regardent moins à l’apparence qu’au fond même des choses. La date de 1808 prêterait aux mêmes objections que celle de 1794. Aucune des deux n’est exacte de tous points, en ce sens que ni l’une ni l’autre ne rappelle la création d’un type d’établissement pédagogique qui ait les mêmes organes et le même régime que l’École dont nous sommes les fils, qui poursuive les mêmes fins. Notre École est à la fois plus vieille et plus jeune que ne le donnerait à penser l’un ou l’autre mode de comput. Elle remonte à l’ancien régime par les conceptions et les projets où s’est ébauché son être futur[1]. Dès le XVIIe siècle,

  1. Pour plus de détail, voir, dans le volume du Centenaire, le travail de M. Paul Dupuy : les Boursiers de Louis-le-Grand. L’École normale de l’an III. Cet essai, dont tous les matériaux ont été demandés aux pièces d’archives ou à des écrits aujourd’hui rares et oubliés, forme la première partie d’une histoire de l’École que M. Dupuy promet de nous donner.